Comment le Maroc compte réintroduire ses antilopes disparues

Oryx algazelle dans la réserve de M'cici. ( © O.A)

Depuis 2006, le Maroc s’est lancé dans un ambitieux programme de réhabilitation des ongulés et des espèces sahariennes. Se déployant tout au long du programme décennal 2015-2024 du Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification, la stratégie marocaine donne globalement de bons résultats. Les objectifs ambitieux de cette stratégie n’ont cependant pas encore été atteints. La participation active des divers acteurs est un facteur primordial pour garantir le succès du programme. 

Durant le 20eme siècle, le Maroc a perdu plusieurs espèces à cause de la chasse intensive et parfois à cause de maladies qui ont pu décimer certaines populations. Si aujourd’hui encore parmi les ongulés sauvages subsistent encore à l’état sauvage: deux espèces de gazelles (dorcas et cuvier), le sanglier et le mouflon à manchettes, toutes les autres espèces d’ongulés -Bubale, Oryx, Dama, Cerf et Addax- ont disparu.

Les premiers efforts de Réhabilitation et de Conservation des ongulés sauvages du Royaume commencent dès la fin des années 80.

Plusieurs enclos dédiés à héberger diverses espèces d’antilopes marocaines sont créés dans plusieurs régions du Royaume. En 2005 le nombre de ces enclos atteint le nombre de 24.

Afin de passer à un système plus fiable garantissant de meilleurs résultats, les scientifiques ont dû apporter leur précieuse contribution.

En 2007, un groupe scientifique coordonné par Tim Wacher, Fabrice Cuzin et El Ayachi Sehhar appuie le HCEFLCD dans l’élaboration d’une stratégie sous forme de lignes directrices doublée d’un plan d’action pour la conservation des ongulés sauvages au Maroc, incluant les 5 antilopes marocaines, le Cerf de Berbèrie et le Mouflon à manchettes.

Ces lignes directrices se basaient sur le principe de gestion de la faune par méta-population: c’est à dire le maintien d’un réseau de troupeaux semi-captifs géré selon des standards internationaux et incluant des échanges planifiés avec les populations sauvages.

Cette méthode permet de gérer au mieux le patrimoine génétique des divers ongulés.

Au commencement : un audit global pour améliorer les dispositifs existants

Selon le fraîchement parut « mammifères sauvages du Maroc » des auteurs -Cuzin, Thevenot, Auglanier-, « une analyse détaillée des données sur la distribution actuelle et ancienne a été effectuée pour chaque espèce, permettant de proposer une aire historique potentielle récente. Pour les populations sauvages (Gazelle dorcas, Gazelle de Cuvier et Mouflon à manchettes), deux pôles prioritaires, à maintenir, ont été identifiés pour chaque espèce, ainsi que deux ou trois pôles secondaires. Tous ces pôles devraient bénéficier d’un niveau de surveillance amélioré.

Tous les enclos ont été visités et analysés. Deux enclos prioritaires ont été identifiés pour chaque espèce, avec une priorité aux enclos renfermant des populations d’origine locale (cas de la Gazelle dorcas). La rédaction d’un plan de gestion pour les enclos prioritaires et une étude de faisabilité pour tout nouvel enclos ont été recommandées. Les normes minimales de gestion ont été précisées. (…)

La stratégie insiste sur le caractère prioritaire des populations sauvages quand celles-ci existent encore. Par ailleurs, les enclos, mieux gérés, doivent avoir pour objectif final une réintroduction in natura, avec un processus de suivi. Certains enclos peuvent être utilisés dans un cadre de sensibilisation du public ».

C’est donc dans une volonté de réhabiliter les ongulés sauvages et de réintroduire ceux qui ont disparu de leur aire historique que notre pays s’est inscrit dans cet ambitieux chantier. L’autre raison étant d’honorer les conventions internationales relevant du domaine de la Conservation de la biodiversité que le Maroc s’est empressé de ratifier dès la deuxième moitié du siècle dernier.

Capitalisation des acquis et début du plan d’action

Dans l’idéal, l’objectif majeur de la stratégie nationale de conservation des ongulés est de positionner le Maroc comme un Leader dans le domaine de la Conservation de l’oryx, de l’addax et de la dama en réussissant la prouesse de les restituer durablement à leurs aires de répartition historique.

La sensibilisation à la protection de la faune sauvage et la surveillance et lutte contre le braconnage sont deux axes majeurs du plan d’action. Enfin, la réintroduction in natura des espèces et enfin « la valorisation par le tourisme de vision et la cynégétique ». L’étude scientifique a donc été le point de départ qui a permis de connaître l’état des lieux du moment afin d’identifier les indicateurs fiables et les actions prioritaires:

  • Oryx algazelle
  • Addax
  • Cerf de berbèrie
  • Dama mhorr
  • Mouflon à manchette
  • Gazelle dorcas
  • Gazelle de Cuvier
  • Autruche à cou rouge
En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population d’oryx présente à l’état sauvage à 0 individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 136 individus.
En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population d’addax présente  à l’état sauvage à 0 individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 89 individus.

En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population de cerfs de berbèrie à l’état sauvage à 0 individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 121 individus.
En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population de dama mhorr présente à l’état sauvage à 0 individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 130 individus.

En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population de mouflons à manchettes présente à l’état sauvage entre 800 (minimum) à 2000 (maximum) individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 435 individus. mouflon jardin
En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population de gazelle dorcas présente à l’état sauvage entre 800 (minimum) à 2000 (maximum) individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 2312 individus.

En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population de gazelle de cuvier à l’état sauvage entre 900 (minimum) à 2000 (maximum) individus et celle présente en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 10 individus. cuvier
En 2006, l’étude scientifique a permis d’estimer la population d’autruches à cou rouge présente à l’état sauvage à 0 individus et celle en semi-captivité dans divers enclos du royaume à 136 individus.

Autruche à cou rouge

Si la stratégie de conservation des ongulés se projette au delà de 2024, il était déjà possible en 2017 d’établir un premier bilan intermédiaire pour connaître la situation actuelle pour chaque espèce. La gestion des troupeaux captifs, les opérations de translocation et les tentatives d’acclimater certains individus -pour les transformer d’animaux habitués à la proximité avec l’Homme et incapables de survivre et de satisfaire leurs besoins en nourriture par eux-mêmes en animaux sauvages méfiants envers l’Homme et capables de survivre et à subvenir à leurs besoins– sont autant de défis gérés chaque jour par les forestiers.

Depuis plus d’une décennie maintenant, l’évolution des troupeaux en semi-captivité est en constante augmentation:

Cerf de berbèrie, vers une réintroduction in natura dans la réserve de Bouhachem:

Le cerf de berbèrie est le seul représentant des cervidés en Afrique du Nord. Si notre pays avait introduits des populations de cerf élaphe originaires d’Espagne dès 1945, l’objectif actuel concernant le cerf est d’atteindre un remplacement total de l’espèce espagnole cerfs par des cerfs de berbèrie. 

Originaires de Tunisie, 4 mâles et 8 femelles ont été lâchés dans l’enclos de Bab Bou Idir (Tazzeka) en 1994 et 1996; l’effectif étais de 77 animaux en 2006, 120 en 2014.

En 1989 1 mâle et 5 femelles de Tunisie ont été lâchés dans l’enclos de Kissarit (Moyen Atlas); l’effectif était de 44 animaux en 2006 et de 44 animaux en 2006, 95 en 2014.

En 2017, l’effectif global des individus de cerfs de berbèrie était de 230 individus, dont 80 à Kissarit et 150 dans le parc national de Tazzeka.

La deuxième phase -qui commence après que la population ait atteint une taille satisfaisante- sera de commencer les tentatives d’acclimatation. Pour cela deux stations d’acclimatation sont en cours d’aménagement à Bouhachem.

Une fois la phase acclimatation entamée, les cerfs regagneront progressivement leur instinct sauvage: fuir l’Homme et les divers prédateurs tout en arrivant à subvenir eux-mêmes à leurs besoins en eau et en nourriture.

Selon l’agenda établit par le programme de conservation des ongulés au Maroc, une vingtaine de cerfs seront introduits dans chacune des diverses réserves et stations d’acclimatation courant 2019. Ce n’est cependant qu’au delà de 2022 qu’on pourra espérer voir évoluer les cerfs de berbèrie à l’état sauvage dans les espaces d’où ils ont jadis disparus.

Les efforts continueront afin de faire le suivi du lâché et d’impliquer les acteurs locaux dans l’action de Conservation de ce que les marocains appellent ‘kourkdane’. L’ultime objectif déclaré du programme de Conservation du cerf de berbèrie étant d’établir des populations à l’état sauvage depuis le Moyen Atlas central jusqu’au massif de Tazekka et dans le Rif occidental.

Addax: bientôt une tentative de réintroduction dans le Sud marocain

A siècle dernier l’addax vivait dans tous les déserts d’Afrique du Nord. Sa disparition à l’ouest de son aire de répartition semble remonter aux années cinquante. Grande antilope parfaitement adaptée aux milieux sahariens, l’addax fréquentait souvent les milieux sableux et inter-dunaires. L’addax vit dans les milieux très hostiles où la présence de prédateurs est rare.

Entre 1994 et 1997, 70 animaux (42 mâles et 28 femelles) provenant de zoos ont été introduits dans la réserve de Rokkein, dans le Parc National de Souss-Massa.

En 2011 39 animaux ont été transportés dans la réserve de Safia. A moyen terme, une autre station d’acclimatation -actuellement en cours aménagement verra le jour à Essmara.

En 2017 on comptait 444 addax dans les divers enclos.

Selon l’agenda du HCEFLCD concernant cette espèce (voir tableau ci-dessous), l’année 2018 connaitra l’opérationnalisation de la nouvelle station d’Essmara, où seront installés 25 individus issus du Parc National de Souss-Massa.

L’objectif principal concernant l’addax est de maintenir des populations en semi-captivité dans les enclos de Safia et de Rokkein et d’installer une nouvelle population dans la station acclimatation d’Essmara.

La phase acclimatation est primordiale est le succès du lâcher in natura dépendra entièrement de la capacité de l’addax à « redevenir » entièrement indépendant de l’Homme pour survivre dans son aire de répartition historique.

A long terme, l’objectif du programme de Conservation de l’Addax est de restituer l’espèce à son habitat et à garantir les conditions nécessaires pour qu’elle ne souffrent pas de braconnage. A cet effet, la contribution des divers acteurs sera primordiale. Comme pour les autres espèces d’ongulés concernés par la stratégie, l’addax sera réintroduit par vagues (en 2018 et en 2022) successives.

Le suivi du technique des lâchers et la contribution constructive des divers acteurs -société civile, populations locales, autorités concernées et médias- dans l’expérience est la seule manière de donner toutes leurs chances au addax pour survivre, et une garantie pour identifier et de régler les problématiques qui peuvent surgir.

Oryx: en voie de retour vers son ancien habitat

Originellement présent dans les régions subdésertiques d’Afrique du Nord et surtout au sud du Sahara, l’Oryx algazelle a fait l’objet d’une chasse intensive qui a considérablement réduit ses effectifs et son aire de répartition. Le cuir de cette espèce a été commercialement exploité pour la fabrication de boucliers très renommés jusqu’en Europe, dès le moyen age, exploitation qui s’est achevée lors de a généralisation des armes à feu.

Les oryx nomadisaient dans les régions sahéliennes et semi-désertiques, effectuant de longs déplacement à la recherche de leur nourriture, liée à la Pluie.

Entre 1995 et 1997, 30 animaux -dont 18 mâles et 12 femelles- provenant de zoos ont été introduits dans la réserve de Rwayes, dans le Parc National de Souss-Massa.

Grâce à l’utilisation de nouveaux fusils anesthésiques, il est enfin possible de limiter les risques de pertes d’individus lors du transport tout en diminuant à leur minimum le stress et souffrance de l’animal lors de l’opération.

En 2014 et 2015 une quarantaine d’animaux viendront s’ajouter à la population d’oryx qui avait repris racine dans la réserve de M’cissi. 

En 2017, le nombre total d’oryx algazelle atteint 394 individus dont 54 dans la station d’acclimatation de M’cissi. Une autre station d’acclimatation est actuellement en cours d’aménagement dans la région de Boujdour.

Cette nouvelle station ne manquera pas d’accueillir une part de la population marocaine d’oryx algazelle, préparant ainsi les conditions nécessaires pour envisager les premiers lâchers in natura dans les mêmes espaces où ont jadis vécus des troupeaux entiers d’oryx.

Une présence pas si lointaine que les anciens de la région se rappellent encore, et dont la mémoire contribuera certainement à faciliter l’implication de toutes les parties prenantes nécessaires à collaborer constructivement pour réussir la restitution de cette magnifique espèce à son habitat marocain.

Dama mhorr: vers une réintroduction dans les régions de Dakhla et d’Essmara

La gazelle dama mhorr est la plus grande des gazelles. Endémique du sahel et de la périphérie du Sahara, la Gazelle dama était présente dans tout le Sahara atlantique, en dehors des régions côtières, ainsi que dans les régions sahariennes frontalières jusqu’ vers Foum Zguid à l’est. 

Dama mhorr ( © O.A)

La gazelle dama mhorr est en voie d’extinction dans toute son aire de répartition.

Au Maroc, elle est probablement éteinte: la dernière observation remonte à 1993  dans le lit du Drâa.

Les causes majeures de régression sont similaires à celles qui ont entraînés l’effondrement de la gazelle dorcas: chasse intensive, avec armes modernes et utilisation de véhicules tout terrain.

En 1969, à l’initiative de valverde, des captures furent opérées dans la région de Dawra pour créer un troupeau captif au « centre de restauration de la faune saharienne » à Alméria (Espagne).

Des animaux de cette provenance ont été établis en enclos,hors de leur aire de répartition, dans la réserve de Chasse Royale de R’mila, près de Marrakech -33 gazelles amenées en 1989 sont à l’origine d’une population d’environ 500 animaux en 2006, 320 en 2014- ainsi que dans la réserve de Rokkein, dans le Parc National de Souss-Massa -21 animaux amenés entre 1994 et 1997-.

Dans la réserve de M’cissi 18 animaux ont été amenés en 2008, l’effectif en 2014 était de 16 animaux.

En 2017 on comptait un total de 87 damas dans les divers enclos.

A l’intérieur de leur aire de répartition, 34 gazelles provenant de R’mila ont été introduites en 2008  en enclos dans la réserve de Safia -région de Bir Guandouz, au sud de Dakhla-, l’effectif était de 40 animaux en 2014.

Une première expérience de lâcher in natura de 15 animaux a été effectuée en 2015, avec une mortalité élevée, suite au braconnage et à la prédation par des chiens errants.

A l’instar de l’addax et de l’oryx, la dama bénéficiera de l’aménagement du nouveau centre d’acclimatation de Boujdour et de celui de Essmara pour voir ses effectifs installés au sein même de leur aire de répartition historique -Dakhla et Errachidia-, dans l’objectif ultime de retenter des lâchers in natura, en tirant profit de l’expérience précédente et ses enseignements.

Là encore, la collaboration en bonne intelligence sera de mise pour réussir à restituer la dama à la Nature, et chemin faisant contribuer à diminuer la menace de disparition qui pèse sur elle à l’état sauvage.

Gazelle de Cuvier: vers un renforcement de la population sauvage existante

Plus grande que la gazelle dorcas, la gazelle de cuvier est une endémique d’Afrique du Nord. Elle peuplait toutes les régions montagneuses et vallonnées, débordant même sur les plaines proches des reliefs, à l’exception toutefois du Rif occidental et central.

Gazelle de cuvier (Ph DR)

La Gazelle de Cuvier est encore présente dans l’anti -Atlas occidental et central, le nord-ouest des régions sahariennes depuis le Bani jusqu’aux reliefs au nord de la Séguia El Hamra et la partie amont de la vallée du Souss (…).

Dans le Haut Atlas occidental subsistent également quelques groupes. Les effectifs semblent notables dans les zones centrales et méridionales du pays.

La Gazelle de cuvier a en revanche disparu de plusieurs zones où elle était présente jadis -Rif oriental, plateau central, de la forêts de la région de Benslimane et du Moyen Atlas central-.

La présence de la gazelle de Cuvier dans un bon nombre de régions de notre pays, rend l’objectif d’un élevage en semi-captivité moins important comparativement avec les autres antilopes.

Il existe cependant un petit groupe en semi-captivité destiné à des futurs introductions en vue d’améliorer le patrimoine génétique des animaux existants à l’état sauvage.

L‘objectif concernant la gazelle de cuvier est avant tout, de maintenir les populations sauvages encore existantes et qui dépassent de loin celles en semi-captivité.

L’agenda établit par la stratégie de conservation des ongulés prévoit cependant une augmentation du nombre de Gazelles de cuvier dans les enclos prévus à cet effet.

Actuellement, la station d’acclimatation d’Oulmes est en phase de mise à niveau afin de pouvoir accueillir les animaux destinés aux réintroductions. Une première translocation de gazelles de cuvier est prévue pour l »année prochaine.

Un lâcher in natura n’est en revanche prévu qu’en 2022 au niveau du plateau central du royaume, zone d’où la gazelle de cuvier a complètement disparu.

Gazelle dorcas: une réhabilitation après avoir frôlé l’extinction

La gazelle dorcas présentait une répartition essentiellement africaine (Maghreb, Sahara, Sahel), avec une extension dans l’ouest du Moyen Orient. Elle est en forte régression dans toute son aire de répartition. Au Maroc, elle peuplait toutes les plaines arides du pays au 16ème siècle selon Léon l’Africain. Elle survit encore dans de rares endroits du pays mais semble actuellement au bord de l’extinction.

En 2006, les effectifs sauvages étaient estimés à 800-2000 animaux. La chasse moderne, avec utilisation d’armes perfectionnés et de véhicules tout terrains, a entraîné la disparition de l’espèce dans la plupart des régions et une très forte régression dans les secteurs où elle subsiste; les animaux ne se maintiennent que dans les refuges relatifs, comme les secteurs rocheux et secteurs minés…

L’espèce est officiellement protégée depuis les années 60, sa chasse étant interdite, mais cette réglementation n’a été que peu appliquée. Très recherchée et poursuivi avec acharnement par divers types de braconniers: locaux, militaires, chasseurs urbains et expéditions de chasse moyen-orientales.

Un programme de réintroduction concerne cette espèce, élevée dans une dizaine d’enclos. Seuls deux d’entre eux hébergent des animaux d’origine locale: l’enclos de Sidi Chiker héberge les derniers animaux du nord de l’Atlas – et ceux d’Elkheng et de M’cissi des gazelles pré-sahariennes; les autres enclos renferment des animaux d’origine marocaine, dont l’origine précise n’est pas clairement identifiée. Le nombre total de gazelles dorcas qui vivent dans les divers enclos atteint les 4725 individus.

Les principaux objectifs de la stratégie de réhabilitation des ongulés sauvages concernant la Gazelle dorcas est de développer des populations sauvages dans les régions de l’oriental, du sud-est et du sud marocain de réintroduire la gazelle dorcas dans les régions d’où elle a disparu -Sud-est marocain, guercif- et de conserver la diversité génétique des deux sous espèces marocaines de la gazelle dorcas et la souche sauvage d’El Kheng Aferdou.

C’est la gazelle qui verra le plus grand nombre de lâchers: un par an depuis 2018 jusqu’en 2024.

Le mouflon à manchettes: vers un renforcement des populations sauvages

Autrefois répandu dans la plupart des régions montagneuses du Maghreb et du Sahara, le Mouflon à manchettes fréquente des milieux variés, des forêts claires jusqu’à divers types de steppes, toujours plus ou moins accidentés, et n’évite que les terrains plats, qu’il traverse à l’occasion. C’est un grimpeur remarquable, qui fréquente souvent les milieux de falaises, de rochers et d’éboulis.

Gibier traditionnellement très valorisé, le Mouflon à manchettes a été exterminé dans de nombreux secteurs et a régressé ailleurs, du fait des chasseurs locaux et extérieurs, pour se trouver cantonné dans les milieux les plus accidentés et des reliefs sahariens isolés.

Du fait de son habitat, l’espèce a longtemps été protégée contre la chasse motorisée, mais le développement de réseau routier facilitant les accès, en particulier dans les petits massifs montagneux sahariens (…), où des expéditions de chasse visant spécifiquement cette espèce sont apparues au cours des dernières années.

Dans le Haut Atlas occidental, l’espèce a été préservée par la création de la réserve du Takherkhort.

Dans le Haut Atlas oriental, la gestion de la réserve de chasse émiratie et le caractère frontalier de certains massifs ont permis une relative croissance des effectifs.

Presque partout ailleurs, malgré un statut d’espèce protégée, l’espèce est toujours chassée et semble régresser. L’estimation des effectifs sauvages était de 800 à 2000 animaux en 2006.

mouflons

Au cours des années 90, des animaux provenant du jardin zoologique d’Agadir ont été acclimatés et relâchés dans l’Anti-Atlas occudental , où des animaux survivent toujours.

Dans l’aire de répartition de l’espèce, des réserves en enclos ont été constituées à Taforalt, dans le Parc National du Tazzeka, et à Lmgharia et Amassine; environ 500 animaux se trouvaient dans l’ensemble de ces enclos en 2014, dont 220à Lmgharia.

Un enclos à objectif cynégétique a été créé près d’Oulmes, hors l’aire de répartition de l’espèce, mais, du fait de la destruction de la clôture, total en 2014, environ 120 animaux se sont échappés et dispersés dans les reliefs les plus escarpés du Plateau Central.

Les objectifs de la stratégie de conservation des ongulés concernant le Mouflon à manchettes sont le développement de populations semi-captives de Tafoughalt, Amassine et Imarigha), le développement des populations à l’état sauvage au Maroc, l’établissement de populations à l’état sauvage dans le Beni-snassen et la valorisation cynégétique des populations d’Iguer.

En 2017, le pays comptait quelque 917 mouflons dans ses divers enclos. Des lâchers in natura sont prévus chaque année à partir de 2021 jusqu’en 2024.

L’autruche à cou rouge: une expérience qui réussit:

Au Maroc, on pouvait encore trouver ces oiseaux coureurs à l’état sauvage dans la région de Oued Eddahab pendant les années 70. Depuis quelques années, un programme de réintroduction a permis de faire réapparaître l’autruche à cou rouge dans son aire de répartition Marocaine.

Ce programme s’est concrétisé par la capture d’une trentaine d’autruches vivant à l’état sauvage au Tchad qui ont été transférées dans le parc national de Souss-Massa, au sud d’Agadir en juin 1996.

Deuxième étape : l’acclimatation de l’espèce au niveau du parc national de Sous Massa. Depuis, le nombre d’autruches à évolué jusqu’à atteindre 150 individus. Cette population est devenue la plus large vivant en semi-captivité dans toute la région sahélo-saharienne.

Riche du succès de l’expérience d’élevage en semi captivité des autruches à cou rouge, le Maroc a pu fournir à la Tunisie, en juin 2008, une vingtaine d’Autruchons, provenant de la population d’Autruches du parc national de Souss Massa, en vue de leur acclimatation et réintroduction dans les parcs nationaux du Sud Tunisien.

Autruche à cou rouge
Autruche à cou rouge (© O.A)

En avril 2011 dernier au parc zoologique de Hanover en Allemagne,  Un groupe de 16 autruchons a vu le jour, suite au transfert par le HCEFLCD de 24 œufs d’autruches à cou rouge à ce parc dans le cadre du développement d’un programme  de conservation Ex situ. Ce groupe d’autruchons constitue un noyau fondateur pour la dissémination et la reproduction de cette espèce animale, en Europe et ultérieurement aux Etats Unis, et la conservation de ce patrimoine naturel mondial en danger d’extinction.

A l’instar des gazelles sahariennes, l’autruche à cou rouge bénéficiera de l’aménagement des nouvelles stations d’acclimatation de Boujdour et d’Essmara où des groupes seront introduits pour une acclimatation, ultime étape avant le lâcher in natura. Les objectifs principaux concernant cette espèce, sont le développement de populations semi-captives dans les PN de Souss-Massa, Dakhla, Iriqui et M’Cissi, la création de nouveaux noyaux reproducteurs au niveau d’Essmara et de Boujdour et bien sur, l’établissement de populations à l’état sauvage au niveau du sud et sud Est marocains.

On comptait en 2017 prés de 193 autruches à cou rouge dans les divers enclos où l’espèce a été installée. Les réintroductions in natura auront lieu chaque année depuis 2021 à 2024.

La vision pour valoriser les aires protégées:

C‘est donc un programme ambitieux dont la concrétisation n’est plus si lointaine, mais qui a demandé plusieurs années (voire de décennies) pour rassembler les conditions nécessaires à ce genre de stratégie. Les défis demeurent nombreux, mais l’on peut d’ores et déjà de poser la question de la méthode prévue pour gérer et valoriser les aires protégées et les zones naturelles où réapparaîtront les divers ongulés réintroduits.

Si la cynégétique (chasse) est une activité prévue dans certaines conditions et pour certaines espèces, c’est le tourisme de vision qui semble être l’activité principale et plus axée « grand public ». Pour en savoir plus, nous avons posé la question en 2017 à Abdeladim Lhafi, Haut Commissaire aux Eaux et Forets et à La Lutte Contre la désertification : (écoutez podcast ci-après)

Sources: HCEFLCD, Mammifères du Maroc (Cuzin, Thevenot, Auglanier 2017)
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