Restaurés depuis 2005 par la Fondation Mohamed VI pour la Protection de l’Environnement, les Jardins exotiques (J.E) de Bouknadel brillent à nouveau de leur lustre d’antan. Aujourd’hui classés patrimoine national, les espaces des J.E constituent une oasis de verdure, très appréciée des visiteurs.
C‘est un joyau verdoyant qui avait pourtant été délaissé pendant des années avant d’être réhabilité et revalorisé par la Fondation Mohamed VI pour la Protection de l’Environnement avec le soutien de ses partenaires publics et privés. Situé dans la route côtière entre Salé et kenitra, le site a regagné son lustre d’antan depuis sa restauration en 2005.
Tout commence en 1951, quand un ingénieur horticole français appelé Marcel François décide d’acquérir un terrain de 4ha et demi, à Bouknadel dans la région de Rabat. Depuis, l’ingénieur n’a pas ménagé ses efforts pour faire de son nouveau terrain un endroit spécial. A chaque voyage, Marcel rapporte dans ses bagages une graine, une plante ou une fleur qui finira par trouver sa place dans son jardin.
Ainsi, amenées de Chine, du Congo, d’Asie méridionale, des Antilles, de la Savane et le Japon, plusieurs plantes ont fini par donner son aspect unique au JE. On y retrouve également des jardins naturels inspirés du Brésil, de la Polynésie, du Mexique, de l’Andalousie et du Pérou. Chacun de ces jardins a ses propres spécificités.
Lieu de jeu de sérénité et de paix
Le Dr Brahim Haddane, directeur des Jardins exotiques (JE) attire notre attention sur ce qui semble être une simple fougère : « Regardez cette plante, son nom en latin est Doryanthes palmeri, il n’en existe qu’un millier d’individus à travers le monde. Elle ne se reproduit que tous les 50 ans. Mr Marcel François ramenait tout ce qu’il voyait ailleurs puis essayait de l’adapter. Nous avons des plantes d’Australie, d’Asie, d’Amérique latine… Toutes se sont adaptées, sauf le nénuphar brésilien !»
Pour bien souligner la nouvelle vocation d’éducation environnementale des JE, des supports pédagogiques ont été installés un peu partout selon les thématiques. Les JE, proposent d’ailleurs un programme éducatif réalisé chaque année pour les groupes scolaires qui comprend des séances de sensibilisation, un concours de photo, un concours de peinture , des cours d’initiation au jardinage, ainsi que des ateliers pour l’apprentissage des méthodes de distillation des Plantes aromatique et médicinale.
Les jardins exotiques sont un espace d’apprentissage, d’éveil mais aussi de jeux. Plusieurs ponts suspendus ainsi qu’une petite grotte y font le bonheur des enfants. Aussi, une volière et un vivarium ont été construits au grand plaisir des visiteurs qui peuvent à présent voir plusieurs types d’oiseaux migrateurs et de reptiles sahariens. « La biodiversité, ce n’est pas seulement des espèces végétales, mais aussi des animaux. Nous avons plusieurs espèces d’oiseaux, dont certains qui sont rares », explique le Dr Haddane.
Ainsi, assis dans les jardins exotiques, nous expérimentons un doux moment de sérénité. On sent les effluves de terre mouillé et de chlorophylle à plein nez. Aux chants des oiseaux de passage s’ajoutent ceux de la volière. Les branchages drus des arbres ne laissent pas filtrer beaucoup de lumière du soleil, alors nous prenons exemple sur l’émyde lépreuse de la mare : à l’ombre, les yeux à demi fermés nous écoutons, voyons, sentons et regardons les JE de Bouknadel…
Un musée à la mémoire du fondateur
« Nous avons transformé la maison de Mr Marcel François en musée, où sont exposés des photos et quelques uns de ses effets personnels dont nous disposons, d’ailleurs nous avons demandé à sa famille s’ils acceptaient de nous envoyer son chapeau et ses lunettes pour qu’on les mette dans notre exposition » précise le Dr Haddane.
« Le musée » est une série de salles où sont exposées les informations sur l’histoire des jardins et de leur fondateur, ainsi que des supports pédagogiques destinés à la sensibilisation des groupes d’écoliers qui viennent régulièrement visiter les lieux. Quelques enfants et leurs enseignants s’y appliquent à répondre aux questions d’un jeu interactif sur la biodiversité Marocaine.
En flânant dans les jardins exotiques de Bouknadel, le visiteur voit l’empreinte de celui qui a donné vie à cet espace et touche les efforts de toutes les chevilles ouvrières qui depuis la réouverture en 2005 travaillent à le maintenir en bon état.
Marcel François en aurait été fier, lui qui avant de s’éteindre avait écrit un jour :
« Dès ma jeunesse, j’ai connu le Maroc J’ai aussi parcouru l’Afrique Noire : l’Afrique mystérieuse, celle des ponts de lianes, des pirogues et des danses masquées. J’ai trouvé la forêt dense dans la moiteur des pays équatoriaux où les arbres sont si hauts et les verts si variés. Afrique, pays de lumière et des ciels étoilés, après tant d’années tu ne m’as pas encore déçu. Hautes maisons grises et fumées noires, pâquerettes et boutons noirs des squares de mon enfance au milieu d’un paysage de cauchemar. C’est finalement vers toi ô Maroc que je suis revenu et c’est là que j’ai essayé de réaliser, grâce à Dieu, mon rêve de jeunesse : un paysage à la mesure de l’homme où pâquerettes et boutons d’or ne se fermeront jamais ! C’est la poésie qui recrée les paradis perdus ; la science et la technique seules en sont incapables. «
Diplômé de l’école nationale d’horticulture de Versailles, Marcel François s’installe en 1949 à Bouknadel après avoir vécu les turpitudes de la deuxième guerre mondiale. Sa vision, son désir d’entreprendre et son amour du vivant vont le pousser à consacrer sa vie aux plantes. C’est dans cet esprit qu’il créa en juxtaposant des milieux différents, des petits écosystèmes préservés. Pour Marcel François, c’est sans aucun doute une initiative qui pouvait perdurer même nichée sur une terre au climat à priori défavorable à son projet :
« Par cet ouvrage, nous avons voulu montrer qu’au Maroc, il était possible de réaliser en très peu de temps une plantation dense de plantes, aux exigences très variées, venant de toutes les parties du monde ».
Ce mélange de végétation venue des quatre coins du monde pourrait être la vision d’un rassemblement, vue par le botaniste qu’il a été durant toute sa vie :
« J’’acclimate des arbres, arbustes et plantes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique centrale et du sud, d’Europe, de Chine et des Antilles. »
Cette vision qu’il a du monde végétal, cet esprit de création, il l’a exprimé dans ses écrits -qui n’ont tous pas été publiés-. La nature, Marcel François la voie comme une richesse divine infinie dont l’homme s’éloigne peu à peu au détriment de la modernité et des choses éphémères.
« La nature est sacrée parce qu’elle est gouvernée par un principe surnaturel. L’homme moderne a perdu la notion d’intellectualité pure, c’est-à-dire sans support matériel, de telle sorte qu’il a escamoté l’idée de Dieu, principe suprême. »
De son passage sur terre, Marcel François a voulu laissé une trace indélébile aux générations futures. Si le paradis n’est promis qu’aux âmes pures, celui terrestre qu’il a pensé et créé, est la preuve que le jardin d’Eden, lieu spirituel sacré est accessible à tous, et racontant à qui veut bien le voir que la beauté de l’exotisme, a un pouvoir régénérateur.
Encadré par Lionel Atokré, Photos et texte: O.A
Suggestion d’application pour votre visite:
Téléchargez et installez gratuitement l’application Pl@ntnet puis utilisez là lors de votre visite aux jardins exotiques et ainsi reconnaitre un maximum d’espèces.