L’anguille marocaine est un poisson très remarquable qui peut migrer sur des milliers de kilomètres. Relativement commune dans le royaume, elle devient de plus en plus vulnérable.
L‘anguille qu’on trouve au Maroc est la même que celle d’Europe (Anguilla anguilla). Elle n’a que deux autres « cousines » : l’anguille japonaise (Anguilla japonica) et l’anguille américaine (Anguilla rostrata). L’anguille Européenne est une espèce de poisson migrateur « amphihalin » : au cours de sa vie elle passe par des milieux de salinité différente.
Dans notre pays elle a longtemps été considérée comme une espèce commune peu vulnérable. Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui.
Description de l’anguille marocaine
Caractérisée par un corps cylindrique et serpentiforme (du latin anguis = le serpent), sa peau épaisse est recouverte d’un mucus abondant favorisant la reptation (locomotion). Ses longues nageoires dorsale et ventrale se rejoignent au niveau de la queue et s’insèrent en arrière des nageoires pectorales (caractéristique de la famille des Anguillidés) qui sont faiblement développées. Elle a une taille moyenne généralement qui va de 40 jusqu’à 150 cm, avec un poids qui atteint les 4 kg chez les femelles.
Un poisson unique en son genre
L’anguille est un poisson prédateur, nocturne, avec un régime alimentaire très varié. Elle peut se nourrir de poissons, d’écrevisses, d’escargots d’eau, d’insectes aquatiques et aériens, voire même de déchets divers et variés. En milieu marin, elle consomme également des vers enfouis dans la vase.
Les zones de répartition géographique de l’anguille européenne adulte, comprennent les différents types de mers en passant des mers tropicales et tempérées du globe, excepté le Pacifique Est et l’Atlantique Sud. En fonction du stade du cycle biologique, les anguilles européennes peuvent être trouvées dans les milieux aquatiques marins, d’eaux douces et saumâtres.
Les zones de répartition géographique de l’anguille européenne adulte, comprennent les différents types de mers en passant des mers tropicales et tempérées du globe, excepté le Pacifique Est et l’Atlantique Sud. En fonction du stade du cycle biologique, les anguilles européennes peuvent être trouvées dans les milieux aquatiques marins, d’eaux douces et saumâtres.
Avant l’anguille, la civelle
Transparente au stade de larve, elle devient brune avec le ventre jaune au stade adulte, puis argentée avant la migration vers la mer.
C’est en mer des Sargasses, que les anguilles se reproduisent et donnent naissance de toutes les anguilles d’Europe (et du Maroc). Les larves appelées leptocéphales, portées par le courant du Gulf Stream vers les côtes européennes et d’Afrique du Nord, et aussi vers le pourtour méditerranéen prennent la forme de petites anguilles transparentes appelées civelles, ou pibales.
Sous l’effet de la lumière, les civelles se métamorphosent en anguillettes (anguilles jaunes), et franchissent l’embouchure des fleuves et colonisent les bassins versants. A l’automne généralement, lorsqu’elles ont accumulé suffisamment de réserves, l’anguille jaune se métamorphose en anguille argentée qui sera prête à rejoindre par la suite les grandes profondeurs de la mer des Sargasses pour se reproduire et mourir.
Il était une fois l’énigme de l’anguille
Au début du 20ème siècle, le biologiste danois Johannes Schmidt a résolu l’énigme qui avait confondu les pêcheurs depuis des générations :
Depuis des siècles, les anguilles d’eau douce étaient depuis très abondantes dans les rivières et les ruisseaux, mais seulement en tant qu’adultes, jamais comme des larves. D’où venaient-ils alors?. En 1922, après deux décennies de recherche, Schmidt a publié la réponse : la mer des Sargasses.
La migration de l’anguille européenne à la mer des Sargasses est considérée comme l’une des plus fascinantes migrations du règne animal. Cependant, le mystère de la durée et l’itinéraire de la migration perdure.
De la supposition aux premières certitudes
Depuis des décennies, les chercheurs ont supposé que les adultes ont fait le voyage vers la mer des Sargasses dans une migration rapide et courte, en laissant les côtes en automne et en arrivant dans la mer des Sargasses prêts pour se reproduire au printemps suivant. Mais cette hypothèse n’est pas vraiment étayée par des preuves indiscutables.
Une équipe internationale (de la Suède à la Méditerranée) a équipé 707 individus adultes de balises à tags électroniques dans le but de suivre et déchiffrer l’énigme sur la migration de cette espèce. Après une longue période, les scientifiques ont pu récupérer que 202 balises, avec lesquelles ils ont reconstitué la route migratoire de 80 anguilles. Les données récupérées ont montré que les anguilles prennent plus que les quatre à six mois prévus pour terminer le voyage et commencent leurs migrations entre août et décembre.
La migration comme sélection naturelle
Pourtant, le temps et la vitesse de migration varient de sorte à ce que seuls les individus les plus rapides puissent arriver au moment de la reproduction dans la mer des Sargasses au printemps. Les autres retardataires n’arriveront que beaucoup plus tard, et ne pourront se reproduire que la saison suivante.
Cette étude a permis de lever un peu le voile sur le mystère de la migration des anguilles de Méditerranée: quel que soit leur point de départ, la mer Baltique, l’Europe de l’ouest, la Méditerranée, ou l’Afrique du nord, ces poissons convergent tous vers les Açores après avoir suivi des routes particulières.
Ils ont tous les mêmes habitudes: la nuit, ils nagent en surface tandis qu’en journée, ils croisent à des profondeurs variant entre 200 et 1000 mètres. Ce comportement est généralement expliqué par un évitement des prédateurs, ce qui n’est pas toujours efficace.
Les menaces qui pèsent sur l’anguille au Maroc
Au Maroc, comme d’ailleurs dans beaucoup de pays où vit l’anguille, parmi les majeures menaces qui pèsent sur l’anguille on trouve :
- La surpêche qui réduit le nombre de géniteurs- Les problèmes migratoires,
- La mortalité des larves leptocéphales due aux modifications des courants marins (changements climatiques)
- La réduction des zones humides qui a entrainé une diminution très importante des habitats de croissance, notamment les barrages bloquant l’accès à l’ensemble du bassin versant et aspirant les anguilles dans les turbines à la descente
- La pollution qui affecterait les gonades des anguilles femelles et provoquerait la réduction de leur potentiel reproducteur.
- Autres responsables et non des moindres, les parasites, notamment l’Anguillicoloides crassus un endoparasite qui colonise la cavité abdominale de l’anguille et se fixe ensuite dans sa vessie natatoire, qui par la suite semble affecter la survie, mais aussi la fertilité, de l’anguille. En dégradant les fonctions de la vessie natatoire, il rend probablement le voyage de l’anguille adulte vers les Sargasses incertain et par ailleurs affecte sa croissance.
L’anguille et -plus encore- la civelle sont très demandées dans les marchés asiatiques et américains. Même au Maroc, certains la cherchent -au moment ou elle remonte les cours l’eau- dans des embouchures comme celle de l’oued Ykem pour les vendre à près de 10000 Dhs le kg notamment à des éleveurs ou à certains restaurants gastronomiques. Le risque de prélèvement dans la nature, constitue sans aucun doute, une sérieuse menace sur l’espèce.
En 2008, l’IUCN a classé l’anguille européenne comme «en danger critique d’extinction», en citant un manque relatif de données sur leur comportement migratoire. L’anguille fait ainsi face à de nombreuses menaces qui sans la mise en place rapide de mesures d’urgence de conservation, pourrait bien… nous glisser des mains.
Références :