Afin d’évaluer la propagation des espèces non indigènes au Maroc, des prospections entomologiques ont été réalisées dans des zones urbaines appartenant à 13 régions marocaines par le Dr. Ahmed TAHERI de Faculté des Sciences d’El Jadida et le Dr. Joaquin Reys-Lopez de la Faculté des Sciences de Cordoue. L’étude publiée dans la revue scientifique Bio One Complete en fin février dernier a révélé la présence de 14 espèces de fourmis exotiques envahissantes, soit à-peu-près 6% de la biodiversité myrmécologique marocaine. L’autre révélation de l’étude est l’élargissement de la zone de distribution connue des fourmis exotiques au Maroc qui s’est étendue de plusieurs centaines de kilomètres le long des côtes méditerranéennes et atlantiques.
La première citation connue d’une fourmi invasive au Maroc remonte à 1888, lorsque la fourmi à grosse tête (Pheidole megacephala) a été recueillie par E. Saunders à Tanger. Il a fallu attendre 129 ans pour que cette espèce soit confirmée au Maroc et que 13 autres soient découvertes, dont la dernière, la fourmi pharaon (Monomorium pharaonis), a été localisée cette année au centre de la ville de Nador. Cet envahissement rapide est certainement due à l’activité humaine, probablement le commerce et le transport international étant les plus importants, sans nier l’effet des changements climatiques.
12 ravageurs hypothèquent l’avenir de la biodiversité marocaine
Il est important de signaler également que, des 12 fourmis cosmopolites considérées à l’échelle mondiale comme des espèces ravageurs écologiques, agricoles et / ou domestiques, cinq ont été capturées au Maroc: la fourmi argentine (Linepithema humile), la fourmi pharaon (Monomorium pharaonis), la fourmi folle (Paratrechina longicornis), la fourmi à grosse tête (Pheidole megacephala) et la fourmi de Singapour (Technomyrmex destructor), ce qui pourrait constituer une menace majeur pour la biodiversité marocaine.
Les aires protégées du royaume encore intactes
Selon le Dr Taheri (écouter podcast ci bas) des écosystèmes naturels comme le Parc National de Talassemtane, le Parc Naturelle de Bouhachem , le Parc national de Ifran, le Parc National d’El Hoceima, la forêt de Maâmora, la subéraie de Sidi Slimane, le Subéraie de Sidi Bettache restent encore à l’abri de ce fléau, et seulement deux endroits naturels (la forêt d’Aït Kettar à Larache et le parc de Perdicaris à Tanger) ont été mentionnés comme atteints, et là où les auteurs ont détecté respectivement la présence de la fourmi folle (P. longicornis) et la fourmi argentine (L. humile). Une évaluation de l’impact de ces fourmis sur d’autres espèces indigènes au Maroc reste selon l’avis des deux scientifiques « une priorité pour instaurer les mesures de protection nécessaires ».
Des solutions possibles à ce fléau…
En Espagne, un réseau d’alerte sur les espèces exotiques envahissantes a été mis en place pour surveiller ces fourmis destructrices (juntadeandalucia.es) (Red de Alerta Temprana Andaluza de Especies Exóticas Invasoras).
« Je vois qu’il est nécessaire de créer un réseau de détection précoce aux points d’entrée les plus sensibles, les ports et les aéroports, et d’inclure cette problématique dans la stratégie nationale de l’environnement et développement durable afin de lutter contre ce fluo qui constitue la deuxième menace pour la biodiversité après la destruction des écosystèmes » conclut le Dr Taheri .
Podcast à écouter:
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