balbuzard pecheur

La vulnérable population de balbuzards pêcheurs du PN d’Al Hoceima (Étude)

 

En Méditerranée, la plupart des régions appartenant à l’aire de répartition initiale du Balbuzard pêcheur Pandion haliaetus ont été perdus et leurs populations locales ont disparu au cours des dernières décennies en raison de la persécution. Même si des mesures de gestion directe ont permis une récupération partielle et locale, la population méditerranéenne  ne compte plus que quelques dizaines de couples reproducteurs qui sont toujours exposés à des risques d’extinction locale. L’une des dernières zones de reproduction en Méditerranée du balbuzard pêcheur se trouve le long de la côte nord-africaine entre le Maroc et l’Algérie. Dans cet article, nous relatons de nouvelles informations sur la population de ce balbuzard dans le parc national d’Al Hoceima, au Maroc. L’état de la population de 2012 et 2013 est rapporté et comparée avec les données recueillies au cours de la période 1983-1990. Une réduction du nombre de nids et couples a été observée et une diminution de 35,7% de la taille de la population enregistrée. En outre, nous discuterons des principales menaces identifiées dans les habitats du balbuzard pêcheur (par exemple, le dynamitage et  la pêche au poison) qui affectent la population reproductrice de balbuzards dans cette région. Dans ce contexte, nous soulignons la nécessité de mesures urgentes à faire adopter à l’échelle locale pour la protection de cette population vulnérable dans le cadre d’une stratégie de conservation qui soit aussi à l’échelle de la Méditerranée.

Mots cléfs : conservation, Maroc , Pandion haliaetus, population, menaces

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Introduction :

Le Balbuzard pêcheur Pandion haliaetus, est un rapace à longue durée de vie répartis sur tous les continents sauf l’Antarctique entre 49 ° S et 70 ° N (Poole, 1989). Bien que la plupart des balbuzards pêcheurs qui vivent dans le nord de leur aire de répartition nichent exclusivement dans un arbre à proximité des rivières et des lacs du Paléarctique, ceux de la région méditerranéenne choisissent des falaises rocheuses pour nicher, à proximité de la mer ou d’environnements de pêche dans des eaux saumâtres (Poole, 1989).

Malgré les mesures de gestion directes menées dans les dernières décennies, permettant une reprise partielle en Corse et dans les Baléares (Bretagnolle et al. 2008, Triay et Siverio 2008), la population méditerranéenne montre encore un statut de conservation défavorable (Muriel et al. 2010) , avec moins de 80 couples reproducteurs, répartis entre la Corse (32 couples), les îles Baléares (16-18 couples), l’Algérie (15-17couples estimés) et le Maroc (14-18 couples estimés) (Monti 2012). Grace à des projets de réintroduction l’espèce se reproduit actuellement en Espagne continentale et en Italie centrale, depuis 2009 et 2011 respectivement, (Muriel et al. 2010, Monti 2012).

La population de balbuzards pêcheurs n’a été découverte au Maroc qu’en 1983 seulement, lorsque la première enquête exhaustive a été réalisée le long de la côte méditerranéenne (Berthon et Berthon 1984, Thibault et al. 1996). Au cours de la période 1983-1990, la population a été régulièrement contrôlée, tel que rapporté par Hodgkin et Beaubrun (1990). Cette population, éparpillée le long de la côte rocheuse de Cala Iris à Al Hoceima, est considérée comme le seul noyau reproducteur au Maroc. Ce n’est qu’en 1989 seulement, que deux nids ont été découverts près de Jebha, une petite ville située à 30 km à l’ouest de Cala Iris. Dans les Îles Chafarinas, deux couples de balbuzards pêcheurs étaient présents en 1950 (Terrasse et Terrasse 1997). Depuis 1994, un seul couple habite l’archipel, toujours observé d’ailleurs en Juin 2013 (Triay et Siverio 2008, Monti 2012; G Dell’Ariccia, CEFE-CNRS, comm, 2013). Un événement de reproduction n’a jamais été prouvé pour la côte atlantique du pays, même si ce fut fortement suspecté dans quelques endroits (Thévenot et al. 1985). En dépit de l’importance d’une telle population pour la conservation du balbuzard pêcheur à l’échelle de la Méditerranée, aucun recensement complémentaire n’a eu lieu après 1990. Ce n’est qu’en 2008 seulement, qu’ une nouvelle exploration a été menée par la section locale de l’organisation non gouvernementale : l’Association de Gestion Intégrée des Ressources (AGIR), qui a estimé un total de 14-18 couples dans la même zone (Nibani 2010), aujourd’hui reconnue comme la zone protégée du Parc National Hoceima Al (PNAH).

Pris en charge par l’Initiative méditerranéenne Petite île (Mediterranean Small Island Initiative), le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la désertification a pris l’initiative de réaliser un recensement global de la population de balbuzards pêcheurs du Parc National d’Al Hoceima en 2012 et 2013. Pour la première fois, les nids ont été soigneusement été vérifiés après escalade des falaises rocheuses. Une telle approche a permis de valider l’exactitude de la reproduction ainsi que d’enregistrer le nombre exact de nids actifs (nombre de couples reproducteurs) et des œufs et/ou des poussins dans la population.

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Figure 1: Emplacement du Parc National d’Al Hoceima, au Maroc, dont la côte de 40 kilomètres a été divisée en quatre zones (de A à D; d’ouest en est) de 10 km chacune. Pour chaque secteur, les paramètres suivants sont signalés:
N = nombre de sites de nidification trouvés;
P = nombre de couples territoriaux. Ces paramètres sont considérés à la fois pour
(a) les données historiques collectées pendant la période de 1983 à 1990 et
(b) les données recueillies en 2012-2013. Les nombres exprimés sont la moyenne de la SD entre parenthèses.
(c) Événements de menaces potentielles, à compter de 2013, sont présentés et classés en trois catégories différentes de distance de la côte (à terre = 0 m; près = 0 > x < 300 m; loin = x > 300 m) pour chaque zone

 

Nous rapportons l’état actuel de la population de balbuzards pêcheurs du Parc National d’Al Hoceima en 2012-2013. Ces résultats sont comparés avec les données historiques des enquêtes précédentes menées entre 1983 et 1990 (Publiés en tant que rapports internes; Hodgkins et Beaubrun, 1990). En outre, nous décrivons et quantifions les principales menaces sur les balbuzards qui ont été identifiés lors de nos séances sur le terrain dans la région.

Matériels et méthodes

Site étudié :

Le Parc National d’Al Hoceima (Figure 1) est classé comme une zone bioclimatique méditerranéenne semi-aride à aride située sur la côte nord du Maroc (Al Hoceima, 42 ° 39 ‘N, 11 ° 05’ E). Il se compose d’une zone marine et une terrestre de 19 600 ha et 28 400 ha, respectivement. La zone protégée qui  fait plus de 40 km de côtes le long de la mer Méditerranée de Cala Iris à Al Hoceima, est caractérisée par de hautes falaises calcaires, des grottes marines et des petits îlots rocheux à proximité de la mer, qui pour la plupart appartiennent à des territoires espagnols (par exemple Peñón de Vélez de la Gomera). La faune de poissons est particulièrement riche et comprend aussi bien des espèces méditerranéennes qu’atlantiques qui entrent par le détroit de Gibraltar à proximité (Nibani 2010). Certaines de ces espèces représentent une bonne proie potentielle pour les balbuzards pêcheurs, qui nichent sur les pinacles rocheux le long de la côte de la mer (Thibault et al., 1996).

Méthodes de recensement

Les enquêtes précédentes relatives à la période 1983-1990 ont été réalisées uniquement par des observations lointaines, en utilisant des bateaux en mer ou une longue-vue de la terre. La position de chaque nid a été enregistrée sur une carte géographique et des photos ont été prises pour une meilleure identification (Hodgkin et Beaubrun, 1990). Les nids ont été considérés comme occupés selon le comportement des balbuzards pêcheurs, à savoir la présence d’individus dans le nid ou dans ses environs et cela lorsque le contenu du nid n’était pas visible du tout à distance. Dans d’autres cas, les nids ont été considérés comme des logements inoccupés si rien n’a été détecté dans le nid ou si aucun balbuzard n’a été observé dans le voisinage de celui-ci, les nids ont été considérés comme indéterminés quand aucune information n’était disponible.

Le recensement de 2012-2013 a eu lieu en mai (comme en 1983-1990), au moment où la plupart des balbuzards pêcheurs reproducteurs élèvent leurs poussins. Une équipe de cinq observateurs, menés par JMD qui a 30 ans d’expérience en observation de balbuzards en Méditerranée, a participé à la mission. Le travail de terrain est composé de 4 jours d’observations chaque année à partir de la terre et 4 jours de relevés côtiers en mer.  Les nids de Balbuzards ont été cherchés le long des falaises côtières au cours des enquêtes au moyen de bateaux de pêcheurs locaux, et le contenu des nids ont d’abord été contrôlés à distance, de la terre,  à l’aide de longue vue. Depuis, nous avons couvert l’ensemble 40 km de côte inclus dans la zone protégée, tous les territoires occupés par des balbuzards pêcheurs ont été scrutés. Un nid a été considéré comme actif si au moins un œuf y’a été posé. Afin d’éviter les risques d’erreurs dans le comptage des œufs et des poussins, le nid  et son contenu de nidification ont été validés par l’escalade des falaises rocheuses à proximité des nids. La présence du balbuzard et le nombre d’œufs et de poussins ont donc été évalués sans équivoque. Les nouveau-nés ont été mesurés, pesés et individuellement marquées par une bague métallique (CRBPO-MNHN, Paris) et une bague de couleur blanche avec un code à trois lettres (pour l’identification à longue distance).

Aussi bien en 2012 qu’en 2013, des menaces susceptibles d’affecter la population de balbuzards pêcheurs ont été observés dans la zone protégée. Les 40 km de côte le long de la PNAH ont été divisés en quatre zones (de A à D; d’ouest en est) de 10 km chacune. Pendant 4 jours de campagnes en mer en 2013, nous avons enregistré tous les événements représentant une perturbation, chacun fut assignés au secteur géographique relatif et sa distance de la côte notée selon trois classes différentes de proximité (riverains, dans 300m, ou supérieure à 300 m). La quantification annuelle de la pêche et les estimations de chaque menace ont été aussi signalées selon les estimations de l’Office national de la pêche du Maroc (ONP) (http://www.onp.co.ma) et de Nibani (2010); leurs effets négatifs sur les habitats et les espèces sont ici Présenté et commenté. Moyennes +/-  SD sont signalés.

Résultats et discussion

Données historiques et situation actuelle de la population

Un recensement régulier de la population de balbuzards pêcheurs été réalisée au cours de la période 1983-1990, sauf pour les années 1984 (de recensement partiel) et 1988 (Hodgkin et Beaubrun 1990). En 1983, cette population a été initialement estimé à 10-15 couples (Berthon et Berthon 1984, Hodgkins et Beaubrun, 1990). Au cours de cette période de surveillance précoce, un total de 52 structures de nids différents ont été enregistrés (moyenne par an =33,6 +/- 6.2) et 14 (+/- 1,8) couples territoriaux sont situés (Figure 1). La population a maintenu une tendance stable montrant une variation limitée en nombre au cours de la période 1983-1990 (tableau 1).

En 2012 et 2013, un nombre total de 23 (moyenne par an = 19,5+/- 4,9) des structures de nidification ont été enregistrées dans le PNAH, entre Cala Iris et Al Hoceima (Figure 1). Durant ces deux années, 6,5 (+/- 3,5) nids ont été visiblement abandonné (structures ont été formées par quelques branches seulement et les nids semblaient avoir été inutilisés pendant plusieurs années).

Quatre nids étaient occupés par un seul mâle territorial, tandis que trois autres ont accueilli des couples non-reproducteurs (aucun œuf / poussin observé). des événements de reproduction ont été enregistrés uniquement dans cinq et sept sites, en 2012 et 2013 respectivement (6,0 +/-1,4 pour les deux années).

L’ensemble de la population était estimée à 20-25 adultes, à laquelle 8-12 poussins peuvent être ajoutés par an. Les poussins avaient environ trois semaines au moment de nos visites en 2012-2013, ce qui signifie que la ponte a eu lieu entre environ mars et avril et l’éclosion à la fin d’Avril (selon une longueur d’incubation de 35-42 J rapportée par Cramp et Simmons 1980). Seulement six des neuf couples territoriaux observés ont été effectivement reproducteurs, et ont représentés le noyau reproducteur efficace de la population en mai 2012 et 2013. Une réduction du nombre de nids et couples territoriaux a donc été enregistré, et une diminution de 35,7% de la taille de la population a eu lieu depuis 1990. En 2012 et 2013, la taille de la population des balbuzards pêcheurs du Maroc était donc bien en dessous des chiffres estimés lors de précédentes enquêtes (Berthon et Berthon 1984, Thibault et al. 1996).

tableau
Tableau 1: Les données de population historique (1983-1990) et actuelle (2012-2013) enregistrées dans le PNAH. Pour chaque année sont signalés le nombre de nids (nids N), le nombre de couples territoriaux (N paires), le nombre de nids abandonnés (des nids abandonnés) et le nombre de nids avec un statut indéterminé (nests undet.). Pour les périodes 1983-1990 et 2012-2013, l’écart-type des valeurs moyennes sont signalés. * = recensement incomplet en 1984, non compris dans les valeurs moyennes, ** = nombre de couples qui se sont reproduits en 2012 et 2013

 

En raison de l’absence de recensements systématiques et répétées au cours de la saison de du début de la reproduction, les données sur les échecs de la nidification précédente étaient non-disponibles, ce qui signifie que la population reproductrice réelle peut être supérieure à notre estimation basée sur le nombre de nids actifs. Par exemple, certains des femelles reproductrices qui auraient échoué plus tôt dans la saison auraient déjà quitté au moment du recensement en mai. Ainsi, la diminution de la population pourrait être peut-être moins dramatique qu’on ne le pensait.

Cependant, les anciens comptages réalisés au cours de 1983-1990 ont été réalisées également au mois de mai au cours de chaque année et donc au même stade de la reproduction que ceux de 2012 et 2013. Par conséquent, si l’on suppose que les taux d’échec de la reproduction à des stades d’incubation est demeuré semblable entre les années 1980 et des années 2010, les enquêtes doivent être comparables. Néanmoins, depuis que nous avons utilisé une méthode de surveillance plus fiable (recensements précédents menés uniquement par des observations lointaines), cela pourrait avoir un impacté le nombre total.

Sur cette base, notre enquête suggère fortement qu’une forte diminution de la taille de la population a eu lieu au cours des 20 dernières années de 14 à 16 couples dans les années 1980 à seulement six couples reproducteurs et neuf couples territoriaux en 2012-2013. En même temps, le nombre total de structures de nids observés a diminué de 52 à 23 nids. Deux types de facteurs pourraient expliquer pourquoi certaines structures de nidification ont disparu au cours des dernières décennies. Premièrement, les facteurs environnementaux tels que le vent et la pluie auraient pu détruire les nids inutilisés. Deuxièmement, les habitants des villages voisins explorent souvent les falaises côtières et utilisent la pêche à la dynamite et leurs passages répétés avec des explosions continues peuvent avoir accéléré le processus de démolition des nids. Ces deux facteurs pourraient être responsables de la destruction rapide des nids.

Pour conclure, un protocole de suivi systématique d’enregistrement des paramètres démographiques de la population  (par exemple, la présence et le nombre d’oiseaux et de leur statut de reproduction, l’éclosion et le succès d’envol) au cours de chaque saison de reproduction est requis et devraient être adoptées dès que possible par le PNAH. La situation actuelle exige des mesures urgentes et efficaces visant à la préservation de cette population vulnérable (Monti 2012).

Les menaces potentielles identifiées dans le PNAH

Lors du recensement de 2012-2013 plusieurs menaces importantes susceptibles d’affecter la population de balbuzards pêcheurs ont été observées sur le terrain. En 2013, nous avons compté un total de 62 événements au cours de quatre jours de relevés de la côte dans le parc (figure 1). La majorité d’entre eux a eu lieu aux frontières de la zone protégée, dans les environs des villages de Cala Iris (zone A = 56,4%, n = 35) et Al Hoceima ville (zone D = 35,4%, n = 22). Peu de cas ont été détectés dans les zones centrales du parc (zone B = 4,8%, n = 3; zone C = 3,2%, n  2). Au total, 95,1% (n = 59) des événements ont été enregistrés à 300 m de la côte (0 m =74,2%, n =46; 0>x < 300 m = 20,9%, n = 13), souvent près de nids de Balbuzards. Seuls trois événements (4,9%) ont été enregistrés à une distance supérieure à 300 m. Ces menaces potentielles sont énumérés ci-dessous:

(1)    La pêche représente la principale cause de perturbation à la fois directe et indirecte pour le balbuzard pêcheur. Selon les estimations de l’ONP (http://www.onp.co.ma), un montant total de 5 510 tonnes de poissons a été officiellement extrait pour les ports d’Al Hoceima et Cala Iris, dans les 10 premiers mois de 2012. Dans la même année, la pêche intense au chalut a été observée près de la côte dans le PNAH. Quelque 2 200 tonnes de poisson sont estimées à extraire par an par les 14 navires qui travaillent actuellement dans le domaine de la PNAH (Nibani 2010). Cette pratique est susceptible de perturber fortement les aires de reproduction de poissons démersaux et peut épuiser les stocks de poissons reproducteurs (Jones, 1992). Même si la pêche au chalut n’épuise pas directement les proies du balbuzard pêcheur (par exemple, les poissons vivant près de la surface de la mer) et / ou inquiètent les balbuzards reproducteurs, si les navires travaillent loin de la côte, elle est certainement dommageable pour l’ensemble de l’écosystème marin et par conséquent pour les espèces d’oiseaux qui lui sont liés. Dans plusieurs études, un effet négatif de ces pratiques a été décrit pour les oiseaux marins (Arcos et al. 2008). Sur une longue période, les oiseaux marins pourraient rencontrer des difficultés à satisfaire leurs besoins alimentaires, avec des répercussions à la fois sur la reproduction et la survie (Cury et al. 2011). La pêche au chalut est également connu pour détériorer les écosystèmes marins en détruisant le benthos non-cibles, provoquant une mortalité post-pêche d’organismes endommagées, et les changements à long terme de la structure de la communauté benthique (Jones, 1992). Afin de minimiser les perturbations et les effets négatifs, le nombre de navires doit être réglementé, l’accès au parc interdit, Aussi le trafic doit être déplacé à une distance fixe de la côte. Dans ce contexte, les obstacles artificiels ont été placés (dans les premiers mois de 2013) sur le fond de la mer pour réduire les activités des chalutiers à l’intérieur du PNAH. Par conséquent, nous n’avons compté que trois passages de chalutiers de pêche actifs (à >300 m de la côte) en mai 2013.

(2)     La pêche à la dynamite est couramment utilisée dans PNAH (Nibani 2010). La pêche à la dynamite commence par des hommes qui s’assoient sur des falaises verticales à la recherche d’un banc de poissons (Nibani 2010). La dynamite est jetée de la falaise afin de tuer les poissons, qui viennent à la surface de la mer et sont recueillis par un nageur. On estime le nombre de personnes qui utilisent régulièrement cette technique illégale dans le PNAH : de 10 à 15 personnes, principalement dans le voisinage des villages d’Al Hoceima et Bades, ils arrivent à en extraire 367 tonnes de poissons par an (Nibani 2010). En 2013 (pendant 4 j de campagnes en mer), nous avons constaté la présence de pêcheurs à la dynamite dans deux cas différents.

(3)     la pêche en utilisant la sulfate de cuivre pour le poulpe Octopus vulgaris est couramment utilisé par au moins 15 pêcheurs locaux (chiffres selon Nibani 2010). Les pêcheurs observent l’eau d’un bateau pneumatique se déplaçant lentement sur la surface de la mer jusqu’à ce qu’une pieuvre soit détectée. Ils forcent ensuite le poulpe à sortir de son trou à l’aide de propagation sulfate de cuivre à la surface. Bien que cette pêche se concentre sur une seule espèce, le sulfate se propage rapidement, empoisonnant les organismes marins dans les environs.

(4)    La présence de la plongée pour la pêche à lance a également été enregistrée dans un cas. Toutefois, cette pratique de pêche est actuellement réalisée par des personnes étrangères qui viennent du port de Cala Iris dans la zone intégrante de la PNAH à l’aide de bateaux dotés de moteur puissants (Nibani 2010).

(5)    Les pratiques de pêche commerciale à petite échelle ou de subsistance, au moyen de petites embarcations et de techniques traditionnelles telles que la tige, les filets et les filets traînants, représentent le revenu économique principal de c.  3 650 pêcheurs travaillant sur le territoire PNAH (estimations pour la province d’Al Hoceima; Nibani 2010). Ils sont capables d’extraire une biomasse totale de 1 500 tonnes de poissons par an (Nibani 2010). En 2013, nous avons enregistré un total de 54 cas de présence de pêcheurs locaux à proximité des nids de Balbuzards, dans la zone de protection intégrale du parc (figure 1). Les balbuzards sont perturbés à la fois pendant la phase d’établissement du territoire (des adultes ont été fréquemment observées en train de changer de structures de nidification au début de la saison de reproduction en raison de la présence constante de la population locale (HN données non publiées). Cela pourrait conduire à des échecs de tentatives de reproduction, aussi bien lors de l’incubation ou de la période d’élevage des jeunes. Les zones de pêche pour les humains devraient donc être limités à des zones éloignées des nids de Balbuzards (par exemple >500 m) afin d’éviter toute présence pouvant alarmer les balbuzards ( Bretagnolle et Thibault, 1993).

(6)    Un ancien dépotoir a libéré des déchets en mer à proximité d’un nid de balbuzard situé à proximité des frontières du parc national et du port d’Al Hoceima depuis des décennies. Les déchets ont été partiellement brûlé ou jeté directement dans la mer. Bien que le site du dépotoir ait été officiellement déménagé loin à l’intérieur des terres, nous avons encore enregistré des activités occasionnelles dans ce site. Les possibilités d’alimentation offerte par le site, grâce aussi à des rejets de poissons abondants provenant des activités du port, attirent  >1 000 de leucophée michaellis Goélands leucophées Larus. Cette espèce de mouette est connue pour être une menace potentielle pour les oiseaux reproducteurs, du fait que les goélands peuvent piller les œufs ou les poussins au nid (Libois et al. 2012). Ce nid de balbuzard était en effet l’un de ceux classés non actifs en 2012-2013.

(7)    La perturbation des balbuzards reproducteurs par des bateaux à moteur est soupçonnée de se produire. Sur la plage d’Al Hoceima, 10-14 embarcations peuvent être louées par les touristes d’avril à septembre. Les touristes sont alors autorisés dans le parc, où aucune restriction n’est spécifiée. Les bruits de leurs moteurs de bateaux peuvent perturber la nidification des balbuzards. Ce trafic dans le parc devrait être interdit, ou au moins réglementé.

(8)    Dans le passé, la consommation de viande de balbuzards pêcheurs a été soupçonnée de se produire. Comme une ancienne tradition, rapportée par les résidents âgés de villages et confirmé par l’association AGIR, les pêcheurs récupéraient les poussins de balbuzards pêcheurs dans les nids afin de les manger croyant ainsi améliorer leurs propres compétences dans la pêche. Une estimation de l’événement de la dernière consommation n’a pas été clairement possible. En outre, on ne sait pas si cette pratique a encore lieu de nos jours, même si elle peut être dirigée vers d’autres espèces. Malgré cela, nous avons enregistré qu’un poussin, déjà bagué par nous en 2012, a été prélevé vivant dans le nid par une personne locale et commercialisé illégalement (HN comm. Pers.). Les programmes d’éducation à l’environnement devraient être améliorés, pour avoir un résultant avenir d’une meilleure connaissance des populations de la richesse locale en termes d’habitats et d’espèces.

Conclusions

Le PNAH semble être fortement exposé à différentes pressions humaines qui sont susceptibles d’affecter la survie du balbuzard pêcheur et de menacer la biodiversité locale. Les effets directs de ces menaces, en particulier celles résultant de pratiques de pêche illégales telles que la pêche à la dynamite et l’intoxication, ont des implications fortes sur la conservation du balbuzard, mais aussi sur l’ensemble de la biodiversité marine de PNAH. Dans le passé, la pêche traditionnelle représentait l’un des principaux revenus économiques pour les populations locales vivantes à l’intérieur des limites du parc. Depuis les années 1980, un exode remarquable de personnes qui sont venus d’autres régions du Maroc pour s’installer dans la région du Rif s’est produit.

En conséquence, la province d’Al Hoceima a connu une augmentation démographique rapide de 54 319 habitants en 1960 à 109 990 en 2004 (Nibani 2010). De meilleures Possibilités économiques ont favorisé les progrès réalisés dans les méthodes de pêche (par exemple, l’amélioration des systèmes techniques utilisés sur les bateaux) ce qui a augmenté les pressions sur l’environnement marin. Le déclin de plusieurs stocks de poissons a été l’un des effets négatifs les plus évidents causé par ces navires déployés et par l’utilisation des activités de pêche illégales, telles que la pêche à la dynamite et l’empoisonnement (Nibani 2010), et cela, même si il n’y a actuellement aucune preuve directe d’ insuffisance de l’approvisionnement alimentaire du balbuzard pêcheur. Le parc est également menacé par les possibilités à venir de développement côtier et de l’urbanisation. Les pratiques locales d’utilisation des terres (par exemple, en 2013, la construction d’un nouveau port a commencé sur le territoire PNAH) additionnées à la pression touristique croissante peuvent sérieusement compromettre les ressources naturelles de cette région, considérée comme l’un des biotopes méditerranéens les plus représentatifs de sa grande la biodiversité en termes d’espèces et d’habitats.

Le parc devrait associer des administrations afin de planifier des actions de conservation fortes dans la région. Cependant, toute action de gestion doit être basée sur une bonne compréhension du fonctionnement des populations animales. À l’heure actuelle, des informations de base sur l’écologie spatiale des balbuzards pêcheurs en Méditerranée fait encore défaut, affectant la possibilité de mettre en place des mesures de conservation précises d’action pour les espèces à l’échelle régionale.

D’autres études devraient enquêter sur ces sujets avec une attention particulière, afin de tester l’existence de la connectivité entre les différentes populations de balbuzards pêcheurs  de la Méditerranée. Cela aidera à comprendre le taux d’isolement de ces populations et permettre une évaluation du risque d’extinction de chaque population, tel que celle du Parc National d’Al Hoceima.

 

Remerciements – Nous sommes reconnaissants au Haut Commissariat aux Eaux et Forêt et à la Lutte Contre la Désertification et « the Mediterranean Small Islands Initiative » PIM coordonné par le Conservatoire Français du Littoral ». Ce projet bénéficie du soutien de la Fondation Prince Albert II de Monaco et la « Associazone italiana delle Fondation Prince Albert II de Monaco Onlus ». Nous remercions R Choquet qui nous ont soutenus au cours des travaux en 2013, D et L Grémillet Fusani nous ont permis de réviser une version précédente du manuscrit, ainsi que P Saurola et un lecteur anonyme. FM est soutenu par une subvention du parc régional de la Maremma, Italie, et par une bourse de mobilité de l’Università Italo Francese / Université Franco-Italienne.

 

Flavio Monti1,2*, Houssine Nibani3, Jean-Marie Dominici4, Hamid Rguibi Idrissi5, Mathieu Thévenet6, Pierre-Christian Beaubrun1 and Olivier Duriez1

1 Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CNRS UMR5175), Université Montpellier 2, Biogeography and Ecology of

Vertebrates, 1919 Route de Mende, 34293 Montpellier cedex 5, France

2 Department of Biology and Evolution, University of Ferrara, Via Luigi Borsari 46, 44100 Ferrara, Italy

3 Association de Gestion Intégrée des Ressources (AGIR), No. 1 Rue Oujda, Quartier Al Menzeh, 32000 Al Hoceima, Morocco

4 Rèserve Naturelle Scandola, Parc Naturel Règional de Corse, 20245 Galeria, France

5 University Chouaib Doukkali, Faculty of Sciences, El Jadida, Morocco

6 3 Rue Marcel Arnaud 13100 Aix-en-Provence, France

* Corresponding author, e-mail: flavio.monti@cefe.cnrs.fr

Traduit de l’anglais par Ecologie.ma
Références à consulter sur le document original
Source: Ostrich
Photo: Arkive.org
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