La santé par les plantes: gare aux intoxications!

Les plantes aromatiques et médicinales (PAM) sont utilisées depuis la nuit des temps. Elles ont été et continuent à être des « médicaments bio » très prisés mais peuvent cependant être dangereuses pour la santé dans certains cas…

 L’homme a commencé à utiliser des plantes pour soulager ses maux très tôt dans l’histoire. Il remarqua par exemple, que l’infusion d’écorce de saule blanc Salix alba permet d’atténuer les maux de tête et la fièvre. Ce n’est que plusieurs siècles après, que le principe actif, l’acide salicylique mieux connu sous le nom d’aspirine, a été découvert.

La matière médicinale de Dioscoride en Arabe, copie en Arabe De 1334-Kathleen Cohen-British Museum

De nos jours, les médicaments sont en grande part d’origine végétale et près de 25 %  comportent au moins une substance d’origine végétale. L’OMS estime que 80%  des gens dans le monde ont recours aux plantes en tant que méthode de soin primaire, c’est dire à quel point on considère que les plantes sont sûres et dénuées d’effets néfastes en comparaison avec les médicaments. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas. Les plantes aromatiques et médicinales sont souvent des remèdes puissants qui comportent des risques et des contre-indications. Mal utilisés l’usage des PAM peut parfois s’avérer dangereux!

5 PAM parmi les plus utilisées au Maroc (non sans danger)!

Le thym :الزعتر

Espèces de sous-arbrisseaux vivaces du genre Thymus, de la famille des Lamiacées dont certaines telles que Thymus maroccanus, Thymus pallidus subsp. pallidus et Thymus broussonnetii subsp. Broussonnetii sont endémiques au Maroc. Le thym commun, Thymus vulgaris est l’espèce la plus communément cultivée.

Originaire du bassin méditerranéen, le thym pousse à l’état sauvage sur les collines arides et rocailleuses. C’est une plante très résistante à la chaleur du fait de son huile essentielle, qui produite la nuit, s’évapore le jour dissipant ainsi la chaleur.

Le thym est utilisé sous forme d’infusion de ses rameaux et de ses fleurs ainsi que sous forme d’huile essentielle pour ses vertus médicinales. Les principaux principes actifs sont le thymol, le carvacrol, l’eucalyptol et le linalol.

En utilisation interne, le thym est : Antitussif, antiseptique et antifongique et spasmolytique (soulage les spasmes musculaires).

En utilisation externe : cicatrisant pour les plaies, antiviral, antimicrobien, antifongique et antiseptique.

En outre, c’est une plante mellifère et un bon aromate pour la cuisine.

Attention ! Concentrée, l’huile essentielle peut endommager les muqueuses. Aussi, il est préférable de l’éviter en cas d’allergies croisées à d’autres Lamiacées (comme la menthe). Les patients sous traitement anticoagulant doivent en limiter la consommation à cause de son apport en vitamine K, cette dernière participe au processus de coagulation. L’usage d’huiles essentielles est en général proscrit chez la femme enceinte.

La lavande الخزامة

Espèces d’arbrisseaux vivaces du genre Lanvendula, de la famille des lamiacées. Originaire du pourtour méditerranéen, les lavandes poussent sur des sols calcaires drainés, secs ou un peu frais dans des emplacements ensoleillés et redoutent l’excès d’humidité. A l’exception de Lavendula stoechas qui préfère les sols siliceux. Lavendula angustifolia est l’espèce la plus appréciée en culture pour la qualité de son parfum. Au Maroc, poussent des lavandes endémiques telles que Lavendula maroccana.

Seules les sommités fleuries sont utilisées, récoltées en été avant l’ouverture des fleurs. Les fleurs séchées, de même que leur essence, sont utilisées pour parfumer les bains, les vêtements et les maisons. La lavande possède aussi des vertus médicinales, ses principaux principes actifs sont : les phénols, le linalol, le géraniol ; l’alcool périllique ; la coumarine ; l’ombelliférone ; les tanins ; esters ; oxydes ; cétones et les aldéhydes.

Utilisée en infusion, décoction ou sous forme d’huile essentielle; la lavande possède de nombreuses vertus. En plus d’être calmante, anti-inflammatoire, cicatrisante,  antiparasitaire (poux) et antiseptique ; la lavande est aussi antivenimeuse en cas de morsure de vipère !

La lavande aurait un léger effet narcotique, elle favoriserait l’endormissement et apaiserait les états anxieux.

Attention! Il ne convient pas de consommer de la lavande en même temps que l’iode, les sels de fer (interactions) et les anticoagulants (contient de la coumarine). Elle est déconseillée pour les femmes enceintes.

 

Le romarin اليزير

Le romarin, Romarinus officinalis, est une espèce d’arbrisseau très touffu pouvant mesurer jusqu’à 1.5m de hauteur de la famille des Lamiacées. Au Maroc, le romarin pousse dans la partie orientale et méditerranéenne. Il pousse sur les terrains ensoleillés et secs, indifférent à la nature du sol. 

Le romarin renferme une multitude de principes actifs. Les feuilles et les fleurs sont utilisées sous forme d’infusion, de décoction ou en tant qu’aromate en cuisine pour leurs effets digestif, anti-inflammatoire et cicatrisant. Parmi ses vertus médicinales on compte aussi son effet cholagogue (stimule la vésicule biliaire), antifatigue, antistress, antioxydant, diurétique, antimycosique et antibactérien.

Attention ! À fortes doses, l’huile essentielle peut avoir un effet neurotoxique ou abortif. Il est déconseillé aux femmes enceintes et allaitantes. 

 

L’épazote المخينزة

L’épazote Dysphania ambrosioides (aussi appelée fausse ambroisie, thé du Mexique, ou ansérine vermifuge), est une plante annuelle de la famille des Chénopodiacées pouvant mesurer jusqu’à 1.2 mètres de hauteur. Originaire d’Amériques du sud et centrale, elle est naturalisée partout ailleurs et est devenue envahissante par endroits.

Fraîches ou séchées, les feuilles et les inflorescences sont soit infusées ou macérées. Seule ou associée à d’autres plantes, l’épazote est consommée pour ses propriétés : vermifuge, digestive, antifongique, antibactérienne et carminative. Au Maroc, elle est utilisée en tant que vermifuge, galactogène contre les affections gastro-intestinales, les abcès buccaux, les ulcérations.

Attention ! La plante est abortive. Consommée en excès, elle provoque des troubles neurologiques (céphalées, convulsions voire coma), troubles digestifs (vomissements, douleurs épigastriques), cardio-vasculaires (tachycardie), insuffisance rénale aiguë, hémorragiques et cutanés (prurit et purpura). L’emploi de cette plante est donc à éviter chez la femme enceinte et l’enfant. Au Maroc, elle constitue une importante cause d’intoxication et a même fait l’objet d’une mise en garde de la part du centre antipoison et pharmacovigilance du Maroc (CAPM).

Le fenugrec  الحلبة

Le fenugrec Trigonella foenum-graecum est une plante herbacée annuelle de la famille des Fabaceae. Elle a les feuilles composées, formées par trois folioles et peut atteindre jusqu’à 60cm de hauteur. Les fleurs d’un blanc jaunâtre donnent des gousses de huit centimètres de long renfermant les  graines anguleuses de couleur brun clair, à forte odeur caractéristique.

Graines de fénugrec

Cultivée dès l’antiquité, le fenugrec a été utilisé en tant que plante fourragère et pour ses propriétés médicinales.

Au Maroc comme dans toute la méditerranée, les graines sont utilisées pour stimuler l’appétit chez la femme enceinte, comme anti-inflammatoire, pour traiter les problèmes et infections digestives, la toux chronique, la bronchite, les névralgies, pour faciliter l’accouchement (stimule les contractions utérines) et comme galactogènes.

Attention toutefois ! la consommation de ses graines peut engendrer des effets indésirables graves. L’effet tétratogène du fenugrec est démontré, il aurait un effet sur la fermeture du tube neural ce qui aboutit à des malformations fœtales.

Aromatique, médicinale et… potentiellement toxique!

Les plantes médicinales sont bien plus nombreuses, on en compte environ 40 000 espèces dans le monde. Le Maroc en compterait 600 espèces. Le ricin ‘’kharoua’’, la noix de muscade ‘’gouza’’,  la coloquinte ‘’hedja’’ et la mandragore ‘’bayd el ghul’’ sont d’autres exemples de plantes médicinales et condimentaires à usage traditionnel potentiellement toxiques.

La toxicité des plantes dépend de plusieurs facteurs :

  • Si l’intégralité de la plante ou seulement une partie contient la substance toxique
  • Le lieu et le moment de la récolte peuvent influencer sa concentration en substance active
  • La dose

 Des plantes comme la sauge “salmya” Salvia officinalis, l’armoise blanche “Chih” Artemisia herba alba et l’Absinthe “Chiba” Artemisia arborescens, sont des plantes « médicinales » à faibles doses mais deviennent très toxiques à forte doses. Pour l’épazote ‘’m’khinza’’ Dysphania ambrosioides par exemple, la dose toxique est très proche de la dose supposée active. L’ingestion reste le mode d’intoxication le plus commun pour la plupart des végétaux, cependant, certaines toxines agissent directement sur la peau ou à travers la peau. Aussi, les substances contenues dans les plantes peuvent être une source d’interactions avec les médicaments. Soit en diminuant leur potentiel aboutissant à l’échec thérapeutique, soit en maximisant leurs effets indésirables ou provoquer une toxicité.

Selon le CAPM, les plantes sont à l’origine de 5.1 % des intoxications totales signalées entre 1980 et 2008 en dehors des envenimations scorpioniques avec un taux de mortalité de 14.2 %. Les principales plantes à l’origine de ces intoxications par ordre décroissant sont : le chardon à glu, le cannabis, le Harmel, la stramoine, le ricin, le genévrier cade, le henné, le pavot, le laurier rose, la noix de muscade, la nigelle et la mandragore.

Les PAM à la rescousse des chercheurs

Il est primordial de souligner que les plantes médicinales ne sont pas qu’une source d’intoxications et autres malheureux accidents. La science moderne place ses espoirs d’innovation en matière de développement thérapeutique dans la recherche de nouveau principes actifs végétaux. Dans cette nouvelle aire où les microorganismes résistants aux antibiotiques se font de plus en craindre menaçant de re-projeter l’humanité dans l’aire pré-antibiotique (je vous en épargne les détails).

Une substance en particulier, la berbérine, contenue dans la sève des espèces appartenant à la famille des Berbéridacées et longtemps connue des amérindiens ; s’avère toute aussi efficace que les antibiotiques les plus efficaces à condition d’être associée à d’autres substances végétales. De surcroît, l’utilisation d’huiles essentielles végétales concomitante à la prise de médicaments aurait pour effet de potentialiser l’action de ses derniers. Des alcaloïdes comme la vinblastine et la vincristine produites par la pervenche de Madagascar Catharanthus roseus   et le taxol produit par l’if Taxus sp. freinent la prolifération des cellules cancéreuses.

Pervenche de Madagascar

Utilisez avec modération et en connaissance de cause

Pour conclure, il reste plus sûr et plus raisonnable de demander conseille à un professionnel de la santé avant de consommer toute plante à visée thérapeutique et tout particulièrement en l’existence d’un terrain fragile. Certaines plantes sauvages sont menacées d’extinction et sont interdites de prélèvement et ou de vente (exemple du pyrèthre).

Si vous souhaitez acheter des plantes aromatiques et médicinales, préférez les plantes issues de coopératives que celles vendues en vrac. Méfiez vous lors de l’achat d’une plante supposée médicinale, assurez vous de son identification! Il se peut qu’elle ait été confondue avec une autre plante toxique proche morphologiquement.

Devant l’apparition d’effets indésirables suite à la consommation d’une plante (ou toute autre substance toxique ou médicament), veuillez contacter au plus vite le CAPM via le numéro affiché sur l’image ci-contre:

05 37 68 64 64

Sources :

http://www.capm.ma/

http://www.doctissimo.fr/html/sante/phytotherapie/plante-medicinale/guide-phyto.htm

https://phyto.revuesonline.com/articles/lvphyto/abs/2017/03/lvphyto2017153p155/lvphyto2017153p155.html

https://www.researchgate.net/profile/Rachid_Eljaoudi2/publication/261833156_Les_plantes_toxiques_au_Maroc/links/00b495359467d379a1000000/Les-plantes-toxiques-au-Maroc.pdf

‘’Biologie végétale : structures, fonctionnement, écologie et biotechnologies’’  Murray Nabors

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A propos Reda Abouakil

Reda Abouakil
Mohamed Reda Abouakil est un naturaliste et écologiste engagé depuis sa tendre enfance. Passionné par les végétaux et la botanique Reda est actuellement étudiant en médecine.

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2 commentaires

  1. merci pour cet article si intéressant
    je tiens juste à vous corriger الحلبة au lieu de الحبلة

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