Friouato, la grotte de tous les silences

Véritable cœur battant du tourisme dans la province de Taza, la grotte de Friouato est fermée aux touristes depuis plus de 2 ans après un accident mortel survenu dans ses entrailles. S’en est suivi un bras de fer teigneux entre les Eaux et Forêts et les autorités locales, chacun se proclamant de droit seul exploitant du site. Coup de torche sur les méandres caverneux d’une affaire enterrée vivante !  

 

Cette histoire commence par la fin, par la mort. En avril 2016, une enseignante qui accompagnait ses élèves lors d’une excursion scolaire a trouvé la mort en plein exercice de sa noble fonction, et ce suite à un éboulement rocheux à l’intérieur de la grotte de Friouato à 27 km au sud de la ville de Taza. L’accident est survenu dans la première descente réputée être la portion la plus sécurisée du site, ce qui en dit long sur les conditions de sécurité qui s’y appliquaient. Malgré les recommandations réitérées d’ONG et d’associations pour sécuriser les sites touristiques en général et celui-là en particulier afin de les ramener aux normes internationales, les autorités locales, le ministère de tutelle et l’exploitant ont fait l’autruche. Ainsi, ce qui devait arriver arriva : le drame. Dès lors, les portes de la grotte demeurent closes à cause du droit à la succession. Toutefois, avant de s’engouffrer dans les détails de ce mauvais feuilleton mille et une fois revu au Maroc, une leçon accélérée de « spéléologie » s’impose !

Voyage au centre de la terre

À vrai écrire, il ne s’agit pas là du nom d’une grotte mais d’un gouffre  qui donne accès à un réseau souterrain de grottes, le plus grand de l’Afrique du Nord. En effet, en berbère Friouto veut dire « le gouffre du vent », un gouffre sous forme d’un aven de 30 m de diamètre, 271 m de profondeur et qui se prolonge sous terre sur 3,5 km. Ce site d’exception renferme des merveilles façonnées par l’alliance tranquille du temps et de la nature. Des stalactites, des lacs et rivières souterrains, des galeries, des puits argileux, des tableaux de roches multicolores… et encore, le gouffre n’a toujours pas fini de révéler tous ses secrets. Et, histoire de rendre à César ce qui est à César, les premiers humains à avoir mis les pieds dans ce gouffre dans les années 30 sont les explorateurs français Élisabeth et Norbert Casteret. Or, la légende ne le voit pas du même œil ! Les autochtones rencontrés racontent qu’aux temps anciens, une jeune et belle fille du coin nommée Ito avait un amant qui s’appelait Assoukh. Fou amoureux d’Ito, ce dernier fut contraint par sa famille d’épouser une autre fille. Capitulant devant le désespoir, Assoukh mit fin à ses jours dans un autre gouffre non loin (aux abords de la route S420) qui porte désormais son nom. Meurtrie par le chagrin, Ito pleura son bien-aimé tous les jours au bord du gouffre de Friouato qui s’appellerait en vrai Friito «  le gouffre de Ito ».

C’est à moi. Nonnn ! c’est à moi. 

Plus terre-à-terre, sur terre Friouato demeure fermé au public depuis 25 lunes. Tels d’indignes héritiers se chamaillant la richesse de leur mère nature nourricière, depuis l’accident, la commune de Bab Boudir et la Direction régionale des Eaux et Forêts Nord Est-Taza se livrent une querelle fratricide pour l’exploitation du gouffre. Résultat : rien, la situation s’enlise, s’éternise et toute une génération de touristes et d’écoliers se retrouve privée de ce bien naturel qui n’appartient à personne d’autre que tout le monde ! En effet, selon une étude menée par l’Agence allemande de coopération internationale pour le développement (à défaut de chiffres officiels), elles seront entre 12.000 et 20.000 âmes à visiter le site chaque année, dont une grande majorité d’écoliers dans le cadre d’excursions pédagogiques. Néanmoins, d’après le même document « selon [nos] entretiens avec les élus de la commune de Bab Boudir, les entrées à la grotte de Friouato sont en moyenne de 25 000/an, les élus estiment que le gérant ne déclare pas tous les visiteurs ! (Ndkb : vraisemblablement pour des raisons fiscales) ». Pourtant, c’est cette même commune qui loue le site à cet exploitant qui, visiblement, faisait passer le sou avant la sécurité. Du côté du ministère, le Haut-commissariat des Eaux et Forêts réclame le contrôle et l’exploitation du lieu pour la simple raison que celui-ci se trouve sur le parc de Tazzeka dont il a la gérance. À ce titre, l’étude allemande déplore « l’absence d’une structure administrative dédiée à la gestion du parc national de Tazzeka, ce qui explique en grande partie l’absence d’informations aussi basiques que le nombre de visiteurs du parc ». Du kifkif en somme.

Quoi qu’il en soit, tous accordent leurs violons pour dire que Friouato est sans conteste l’attraction touristique numéro 1 de la région de Taza. Son impact économique et social sur ce territoire est plus que significatif, il est vital pour les gens du coin. « J’ai travaillé plus de 10 ans ici, ce trou renferme le pain de ma famille », affirme cet ancien guide. Et à la question : « Comment vous faites pour nourrir votre famille aujourd’hui? » Il répond : « La même chose mais dans d’autres grottes pas loin. Vous voulez que je vous organise une excursion ? Vous êtes combien ? » Pour les esprits non habitués au langage souterrain, cela signifie que, comme ses anciens collègues, Kader (Ndkb : nom d’emprunt) est passé à la clandestinité, ni plus ni moins. Et, lorsque l’on sait que la région abrite plus d’une centaine de grottes explorables et vierges de toute installation, il est quasi impossible aux autorités compétentes d’endiguer ce phénomène dont elles sont à l’origine. Il va donc sans écrire que tout cela fait grimper en flèche le risque d’accident. La funeste leçon n’aura donc servi à rien !

 

Kheyibaba

 

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À travers ses écrits, ce personnage haut en couleur livre au lecteur une réflexion mordante, tous crocs dehors, sur l’actualité nationale et internationale. Ainsi, les faits sociaux et informations qui, de prime abord, semblent anodins prennent une autre dimension après être soumis à l’analyse décalée mais de bon sens de Kheyibaba. En 15 mots : la chronique de Kheyibaba s’adresse à ceux qui savent lire entre les mots.

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