Sebkha d’Imlily: à L’occasion du 40ème anniversaire de la marche verte, l’institut scientifique a organisé vendredi à Rabat, une journée d’étude sur la Sebkha.
La Sebkha D’Imlily est un véritable joyau de la nature qui se situe au détour d’une piste sablonneuse et rocailleuse, en plein paysage désertique, au sud de Dakhla. A une dizaine de km à vol d’oiseau de l’océan, plusieurs dizaines de grands trous dans le sol, s’éparpillent à perte de vue. Dans ces cavités il y’a de l’eau. Les couleurs du sol et des végétations dans le site d’Imlily contrastent avec l’aridité de la région. Le visiteur de la sebkha ne peut que s’émerveiller devant un paysage unique, et surtout devant ces cavités qui ne désemplissent jamais d’eau… en plein désert !
La Sebkha d’Imlily est un écosystème unique à l’échelle mondiale. C’est ce qui continue de ressortir au fur et à mesure qu’apparaissent les résultats des études menées par les scientifiques marocains qui travaillent sur le sujet depuis 2009. Hier, la journée d’étude organisée par l’institut scientifique de Rabat avait pour objectif d’exposer l’état d’avancement du projet d’études pluridisciplinaires menées sur le terrain. La journée avait pour thème : Valorisation et conservation d’un système original de zone humide relique.
L’événement a débuté par une élocution du président de l’université Mohamed V de Rabat ainsi que celle de Mr Mohamed Endichi du HCEFLCD qui ont soulignés l’intérêt d’une collaboration constructive entre décideurs et scientifiques pour mieux connaître et aussi mieux conserver le patrimoine naturel Marocain. Le Professeur Abdelabbar Qninba instigateur et coordinateur du collectif scientifique pluridisciplinaire a ensuite présenté le projet d’étude ainsi que le caractère important et urgent qu’il revêt.
A souligner que ce projet n’a pu voir le jour que par les efforts de la structure porteuse du projet: L’association Nature Initiative qui a cherché des fonds auprès de l’agence de développement des provinces du sud et auprès des conseils de la région de la province et de la commune d’Imlily. D’autres partenaires universitaires sont aussi impliqués dans cette étude multidisciplinaire, a l »instar de l’université de Montpellier , l’Université de Rabat,l’Université Cadi Ayyad de Marrakech , l’université Abdelmalek Essaadi de Tétouan ainsi que l’institut national des sciences de l’Archéologie et du patrimoine.
« Les gens de la région connaissaient le site mais sur le plan scientifique, c’est un écosystème qui vient d’être découvert. » précise Mr Qninba. Plus surprenant encore : dans un environnement hostile, l’eau des cavités a une température élevée et une salinité qui par endroit est le double de celle de l’eau de mer. Mieux encore : une espèce de poisson y vit et s’y reproduit. Une espèce qui n’était pas censée être là, le Tilapia de Guinée.
« Le Tilapia de Guinée et une relique tropicale qui ne devait plus exister au Maroc à l’heure actuelle » explique Mr Qninba. Il s’agit d’une espèce qui se trouve en Afrique mais dont l’aire de répartition est limitée à la zone tropicale. Comment se fait il que ce poisson puisse exister au Maroc ? S’agit il d’une sous espèce à part entière ? Pourquoi l’eau des cavités est elle permanente alors que le site se trouve en plein désert ? L’apport en eau se fait il en surface ou en profondeur ? « Notre projet pluridisciplinaire est justement là, pour répondre à ces questions » annonce Mr Qninba :
Caractérisation morphologique et physico-chimique des poches d’eau
Après la présentation d’introduction, Mr Abdelatif Bayed a exposé les résultats de son étude sur la caractérisation morphologique et physico-chimique des poches d’eau. Mr Bayed qui s’emploi à trouver des corrélations entre la disposition des cuvettes, leurs profondeurs, niveaux de salinité ou encore leurs volumes a notamment souligné qu’Imlily contrastait avec tous les systèmes aquatiques au Nord d’Agadir. « L’eau et sa circulation sous adjacente n’a pas les mêmes caractéristiques dans la Sebkha » a-t-il expliqué. « Il existe parfois des connexions temporaires des poches lors des écoulements qui suivent les précipitations. En revanche, la différence de salinité qui peut exister ente certaines cuvettes est très importante» conclue Mr Bayed.
Fonctionnement hydrologique et hydrogéologique de la Sebkha
Mr Hilali pour sa part s’est penché sur le mécanisme de fonctionnement hydrologique et hydrogéologique de la Sebkha. Son exposé s’est articulé autour du rôle joué par les aquifères existantes au niveau d’Imlily et qui constitue deux nappes phréatiques profondes parmi les plus importantes au niveau de tout le Sahara. Sans exclure la possibilité de renouvellement de l’eau en surface par les précipitations, Mr Hilali penche plutôt pour l’hypothèse d’une recharge en profondeur.
Mr Anas Emran, a quand a lui, attaqué le problème avec un outil de mise : le Radar. Son travail d’analyse a mis en évidence que la recharge de l’eau en surface constitue un apport moins négligeable qu’on pourrait le croire « Cette région est un livre d’histoire géologique du Sud du Maroc » conclue t il.
Une proposition pour l’utilisation de la technologie Web Processing Service
Après une présentation de Mme Hara qui a émis une proposition pour l’utilisation de la technologie Web Processing Service afin de pouvoir dégager plus de données exploitables, Mme Mhammdi Nadia a enchaîné par la projection d’une vidéo-résumé de son travail sur le site. Mme Mhammdi a essayé de reconstituer l’Histoire holocène de la Sebkha. Pour elle, Imlily est sans aucun doute un site unique au monde et notamment en termes de biodiversité.
Les différentes formations végétales et habitats de la Sebkha
M Ibn Tatou a effectué une étude pour déterminer les différentes formations végétales et habitats de la Sebkha. Après l’exposition analytique des résultats, il a recommandé de faire un comparatif avec la richesse floristique de Dakhla afin d’observer les variations et similitudes intéressantes.
« Biodiversité aquatique de la Sebkha d’Imlily »
Tel est l’intitulé de la présentation faite par Mme Oumnia Himmi. Il en ressort que l’inventaire exhaustif qu’elle a réalisé comptabilise quelque 43 taxons d’espèces aquatiques. A coté des Tilapias de guinée, plusieurs types de mollusques et de crevettes vivent dans les poches d’eau de la Sebkha.
Les mollusques d’Imlily
Mr Ghamizi a brillamment exposé le résultat de son travail sur les mollusques d’Imlily en expliquant que ces organismes constituaient un indicateur par rapport aux mouvements paléogéographique. Dans un seul et même site, Mr Ghamizi a trouvé une espèce de mollusque qui vit accrochée aux rochers – indicateur de présence de courants d’eau-, aussi bien qu’une espèce apparentée à l’Hyrobia Ventrosa qui pour sa part est inféodée aux eaux saumâtres. Pour lui, Imlily héberge une biodiversité non comptabilisée. « Il y’a beaucoup de choses qui restent à découvrir ».
Un patrimoine herpétologique à conserver
Mr El Mouedden a fait une présentation s’intitulant « Sebkhet Imlily : un patrimoine herpétologique à conserver ». Plusieurs reptiles vivent dans la zone de la Sebkha dont le caméléon qui a été trouvé par Mr El Mouedden très loin de la limite sud de sa zone de répartition connue. Plusieurs autres espèces de reptiles y’ont été comptabilisés ce qui fait d’Imlily un écosystème dépositaire d’un patrimoine herpétologique propre.
Inventaire des oiseaux de la Sebkha
Mr Radi a fait un exposé autour des résultats de son inventaire des oiseaux de la Sebkha. Il en ressort que si la zone constitue bien un point de passage pour les oiseaux migrateurs elle reste particuliaire puisque la salinité de l’eau qui s’y trouve ne permet par aux oiseaux d’eau qui y transitent de s’y abreuver.
Les mammifères de la zone d’Imlily
Mr Qninba a repris la parole pour faire une brève présentation sur les mammifères de la zone d’Imlily. Seule la gazelle Dorcas aurait disparu de la zone, un bon nombre d’animaux sahariens la fréquentent, exemple du fennec, du chat des sables, du lièvre des savanes sans oublier un bon nombre de rongeurs …
Un poisson Euryhalien perdu dans le désert : taxinomie et structure génétique des Tilapias de la Sebkha d’Imlily
Enfin, Mr Agnese a présenté sa communication « Un poisson Euryhalien perdu dans le désert : taxinomie et structure génétique des Tilapias de la Sebkha d’Imlily ». L’approche de Mr Agnese s’est basée sur la génétique. Si les résultats obtenus ne permettent pas encore de considérer le Tilapia d’Imlili comme une sous espèce à part entière, il n’est pas à exclure que plus d’études génétiques puissent le prouver. « Il faut résoudre le plus rapidement possible le statut du Tilapia d’Imlily. Il y’a déjà des pistes très fortes qui a minima annoncent qu’il s’agit d’une nouvelle espèce » conclut il.
Vers la création d’une aire protégée?
Après la fin des présentations, une table ronde modérée par Mr Ribi a rassemblé les scientifiques du projet avec d’autres partenaires dont Mme Hayat Misbah du HCEFLCD et Mr Baray de l’association Nature Initiative. Après que les participants aient émis leurs recommandations en matière de coordination des études et d’échange des données, la discussion a porté sur des aspects relatifs aux besoins d’études complémentaires et de la nécessité urgente de prendre des mesures pour la conservation de la Sebkha.
Les participants ont décidé de constituer un comité de mise en œuvre des recommandations pour entre autres, effectuer la procédure de demande de classement de la Sebkha en tant que site RAMSAR voire en tant qu’aire protégée.
Photos Ecologie.ma