Contrairement au Sloughi, lévrier marocain, l’Aîdi, le chien de l’Atlas qui évolue et vit depuis des milliers d’années, dans les montagnes et les plateaux de l’Atlas, est une race canine nationale, mal connue, des Marocains.
L’Aïdi, le chien de l’Atlas est le seul chien qui est capable , non seulement de s’attaquer au sanglier, mais il arrive aisément à le tuer. Ses mâchoires sont puissantes . Ses dents tranchantes croquent les os comme du biscuit. Les bergers de l’Atlas, et particulièrement ceux de la tribu des Aït Ishaq qui font paître leurs troupeaux dans les cédraies du Moyen –Atlas, en savent quelque chose. Rencontrés à Had Oued Ifrane, à mi-chemin entre Azrou et Khénifra, ils racontent qu’ils ne peuvent survivre en forêt sans l’Aïdi. Comme ils restent assez longtemps loin de tout village, ils emmènent avec eux leur nourriture. L’unique moyen pour la conserver, c’est de l’enterrer. Le seul problème, c’est que le sanglier qui est un féru de tubercules, aime chercher sa ration alimentaire sous sol. Dés lors, les patates, les tomates, en un mot les fruits et légumes des bergers sont en danger dans une forêt où la population, pour ne pas dire les hordes de sangliers sont légion. Tant qu’à faire, l’Aïdi est là. Il ne paie pas de mine, mais avec sa force tranquille, il sait mettre hors d’état de nuire les cochons sauvages.
Une quarantaine de montagnards berbères, accompagnés de leurs Aîdi, venus de Bekrit, une bourgade située près de Timahdit (Moyen Atlas central) avaient participé en 2004 à l’exposition canine internationale, organisée à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, par la Société Centrale Canine Marocaine (SCCM), sous l’égide de la Fédération cynologique internationale (FCI). Ces propriétaires peu ordinaires, dépositaires d’un patrimoine national unique au monde, parfois sans qu’ils le sachent, ont charmé un public curieux et heureux de découvrir que le Maroc dispose d’une belle race canine qu’il faut sauvegarder parce qu’elle est menacée d’extinction pour diverses raisons. Peu de recherches scientifiques ont été faites, jusqu’à présent, sur l’Aîdi (mot singulier du pluriel d’Iydan, qui signifie chien en berbère).
Les enquêtes de terrain effectuées par le Club du chien de l’Atlas, (créé en 1985), placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et dirigé par une équipe enthousiaste de vétérinaires et de techniciens, sous la responsabilité de Dr Id Sidi Yahia Khadija, a contribué d’une manière remarquable à faire connaître cette race, à assurer le suivi sanitaire des effectifs recensés, à disposer d’une réserve génétique stratégique et à sensibiliser les pouvoirs publics et les propriétaires, sur la nécessité de protéger l’Aîdi, des reproductions non contrôlées et des abâtardissements qui dénaturent l’espèce et mènent à sa disparition. Dr Id Sidi Yahyia, qui est également juge international de la race, avait indiqué, dans un entretien à la MAP, que son équipe etait à sa dixième sortie exploratoire dans le Moyen Atlas central. Selon elle, il y a soixante ans, les montagnes de l’Atlas n’abritaient que des spécimens de race pure. Actuellement, environ 500 Aîdis ont été enregistrés, et les chiens de pure race, recensés, ne représentent que le tiers des effectifs rencontrés, ce qui laisse entendre que la race est en voie de disparition.
L’Aîdi n’est pas un chien berger, il a pour vocation première de garder et de protéger souvent avec zèle, la tente et les biens du nomade berbère y compris son cheptel contre les chacals et les autres prédateurs.Fidèle compagnon, il est respectueux de la hiérarchie au sein de la tente et sait distinguer entre les habitants du campement, le chef de famille, sa femme et ses enfants qu’il câline comme ses propres chiots. Solide et rustique, ce chien de montagne est doté d’une musculature hors norme pour sa taille (52 à 62 cm) et d’une puissante charpente sans lourdeur. Il possède une fourrure épaisse de couleurs différentes qui le protège du froid glacial des montagnes, de la chaleur de l’été et des attaques des fauves des forêts avoisinantes.
Le chien citadin élevé est beaucoup plus allongé quand il est bien nourri et soigné. Le propriétaire ne devrait pas oublier que c’est un animal de caractère indépendant qui a besoin d’espace pour se dégourdir et s’épanouir.
Le Dr Michel Gaudois, juge international de race et président du club français de l’Aîdi qui a sillonné les montagnes et les plateaux de l’Atlas à la recherche de ce chien, a confié a la MAP que c’est le seul chien qui ne craint pas le magot de l’Atlas et n’hésite pas à l’attaquer quand c’est nécessaire. C’est le plus petit chien de montagne adapté aux ressources alimentaires de son milieu. Mme Id Sidi Yahya souligne que l’Aîdi, de par son intelligence et sa sociabilité, dispose de potentialités de dressage certaines comme la chasse au sanglier. En France, le Centre indépendant d’éducation s’emploie à le dresser pour accompagner et guider les personnes non voyantes.
Sur les origines de cet animal, Dr Id Sidi Yahya nous indique qu’il s’agit d’une race primitive que l’on trouve en liberté dans l’Atlas vivant généralement par petits groupes de deux ou trois. Au fil du temps, cette espèce canine s’est adaptée à la vie en altitude et à des utilisations spécifiques.
L’autre hypothèse avancée par la présidente du club veut que les chiens de montagnes descendent tous d’un ancêtre commun : le mythique dogue du Tibet qui aurait accompagné les peuples asiatiques quand ils émigrèrent vers l’Europe.
Paradoxalement au Maroc, ce sont les régions enclavées et difficiles d’accès qui ont contribué, indirectement, à la sauvegarde et à la survie de cet animal qui figure désormais au registre initial marocain (RIM) et au Livre marocain des origines (LMO). Cette redécouverte est à l’origine de la création du Club du Chien de l’Atlas qui s’assigne pour mission première de sauvegarder cette espèce nationale et d’«inverser le processus de disparition».
La présidente du club a indiqué qu’il existe un projet de création d’une association locale à Azrou qui aura pour objectif de participer à cette action de sauvegarde allégeant les tâches du Club qui dispose de peu de ressources financières et humaines.
Le club compte centrer ses actions sur d’autres zones de l’Atlas, surtout la région du Moyen-Atlas oriental (monts de Bouiblane, Ighazrane, Beni Sohane, Aït Zegout et Aït Aalahem …etc).
Elle lance un appel à toutes les bonnes volontés, aux organisations internationales de défense de la faune et de la nature, à travers le monde, à participer à cette oeuvre de sauvegarde d’une race qui est non seulement un patrimoine national mais également un patrimoine commun de l’humanité.
La Société centrale canine marocaine dispose d’un site Internet à consulter à l’adresse www.chiensdumaroc.ma .