BMCRif et Facebook: Quand les réseaux sociaux sont utilisés pour la lutte contre le commerce illicite des macaques de barbarie
Le macaque de Barbarie (Macaca sylvanus voir Figure 1) est la seule espèce de macaque en Afrique, se reproduisant au Maroc et en Algérie avec une population introduite sur Gibraltar. Les populations sauvages d’Afrique du Nord sont séparées par de grandes distances et des groupes qui sont parfois fragmentées et isolées en raison de la dégradation et de la destruction de leur habitat (Fa et al. 1984; Waters et al. 2007; Menard et al. 2013).
Dans le Moyen Atlas, en particulier, la population a été décimée à cause des captures de nourrissons destinés au commerce des primates de compagnie au Maroc et en Europe continentale (Waters 2011; Menard et al 2013). La vente de macaques de Barbarie est illégale au Maroc et passible d’une amende, de la confiscation de l’animal(s) et de la fermeture de l’entreprise du vendeur.
Barbary Macaque Conservation in the Rif (BMCRif), est une ONG marocaine interdisciplinaire de conservation qui utilise des méthodes de recherche scientifiques, sociales et naturelles, pour mettre en place des actions de conservation. Notre mission est de surveiller les populations de macaques de Barbarie, de nous engager avec les utilisateurs de la forêt autour de leur habitat, ainsi que de sensibiliser aussi bien les populations rurales qu’urbaines au Maroc.
Les Marocains ont majoritairement tendance à manquer de sensibilisation relative aux questions de conservation ou de protection des animaux, et la perception du macaque diffère entre les populations rurales et urbaines, ce qui nécessite des approches de sensibilisation différentes pour les deux. Dans la population urbaine, le manque de sensibilisation et de connaissance de la vie sauvage du pays est un facteur important qui explique pourquoi les activités de commerce illégal des espèces ne sont pas -ou peu- signalées dans le pays.
Les sites de médias sociaux sont communément utilisés par les ONG de conservation ou autre, dans le but de communiquer rapidement et efficacement avec le public et, dans certains cas, à des fins de sensibilisation contre les pratiques de domestication de primates. Cependant, les médias sociaux et les sites connexes peuvent également encourager le commerce des primates en voie de disparition. Un tel événement a eu lieu en ligne sur le site de partage de vidéos Youtube quand un individu a posté une vidéo de lui-même « chatouillant » son animal de compagnie: un loris lent (Nycticebus spp.).
La vidéo devenue virale a été plusieurs fois repostée sur Facebook ainsi que sur d’autres sites de médias sociaux. Cet exemple d’exposition généralisée peut avoir augmenté le désir -donc la demande- d’une partie du public pour posséder un loris comme animal de compagnie, ce qui à son tour, peut avoir contribué sensiblement à l’augmentation du commerce illégal -l’offre- des espèces (Nekaris et al. 2013). Les conservationnistes ont toutefois ripostés, en utilisant les médias sociaux et Youtube pour publier des informations mettant en avant les aspects et conséquences très négatives de la domestication de ces animaux sur leur conservation et protection (Nekaris et al. 2013).
L’exemple ci-dessus montre que des précautions doivent être prises lors de l’utilisation de sites de médias sociaux en tant un moyen de communication afin de s’assurer que le message de sensibilisation soit clair, et ne soit pas facilement sorti de son contexte. Ceci est particulièrement important dans une population humaine qui ne possède pas un niveau suffisent de connaissances relatives à la conservation, à la compréhension des questions de conservation ou de bien-être animal.
BMCRif met l’accent sur la sensibilisation en ce qui concerne le commerce illégal de macaques parmi les citoyens appartenant à la classe moyenne urbaine au Maroc, car ils sont les principaux acheteurs de jeunes macaques de Barbarie, et cela généralement pendant les vacances dans les villes où les nourrissons de macaques de Barbarie sont ouvertement exposés pour la vente. La population de la classe moyenne urbaine est alphabétisée et a un accès régulier à Internet.
Réaliser que la conscience concernant la conservation des macaques était faible et que l’utilisation de Facebook est très élevé au Maroc nous a stimulés à former un groupe sur Facebook pour informer les gens sur les enjeux de protection du macaque au Maroc. Le 14 Juillet 2012, nous avons créé une page BMCRif sur laquelle nous présentons des nouvelles et actualités à propos des activités du projet, des informations sur le macaque de Barbarie, ainsi que les nouvelles recherches et informations relatives aux réalités du commerce illégal de macaques de Barbarie : (https://www.facebook.com/BarbaryMacaqueConservationInTheRif).
Au moment de l’écriture de ces lignes, la page rassemblait 1034 membres, plus d’un tiers d’entre eux sont marocains (375) avec 46% de membres âgés de 25 à 44 ans. Cette frange représente le profil type de personnes les plus susceptibles d’acheter un macaque de compagnie sous la pression de leurs enfants. La majorité des membres marocains sont répartis entre les villes et les environs de Tétouan, Casablanca, Rabat et Marrakech.
Les membres du groupe ont la possibilité d’interagir directement avec les administrateurs sans que ces communications ne soient visibles aux autres membres. Depuis que nous avons créé le groupe il ya 12 mois, six des seize notifications que nous avons reçues de la part de Marocains ayant déclarés un total de six macaques de Barbarie détenus illégalement ont été faites par l’intermédiaire de notre page Facebook. Quatre de ces macaques ont été confisqués par les autorités lorsque nous les avons signalés, l’un de ces macaques avait déjà été vendu et l’autre a été retourné à son groupe sauvage.
Ainsi, Facebook agit comme un important moyen de communication entre le public marocain et les autorités, avec BMCRif en rôle d’intermédiaire. Grâce à cette collaboration, la pratique de l’utilisation de macaques de Barbarie en tant qu’accessoires destinés aux photos touristiques n’est plus tolérée dans la région de Tanger-Tétouan et le commerce des espèces à Tanger, autrefois pratiqué ouvertement, a été contraint à la clandestinité. Ainsi, nous avons trouvé en Facebook un outil très efficace dans le dialogue avec le public marocain dans l’objectif d’augmenter sa conscience par rapport à ce primate en voie de disparition tandis que BMCRif s’engage à son tour de garder l’anonymat des rapports et signalements reçus en rapport à des activités de commerce illégal d’espèces sauvages.
Par Sian Waters et Ahmed El-Harrad
Barbary Macaque Conservation in the Rif (BMCRif), Tetouan, Maroc
Traduit de l’anglais par Ecologie.ma
Titre original : Note sur l’utilisation efficace des médias sociaux pour la sensibilisation contre le commerce illicite de Macaques de Barbarie