Sorcellerie: pour des besoins de magie noire, le trafic des hyènes fait des ravages au Maroc. Du fin fond de l’Afrique noire à la souika, périple d’un animal en voie de disparition.
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Sorcellerie : C’était une commande ferme. Elle avait demandé plusieurs mois de préparation, mais seulement quelques heures d’exécution. Le corps d’une hyène vendu à 150.000 DH à un riche commerçant du Golfe. Super coup pour Brahim qui tient une petite échoppe à la Souika de Rabat. « Cela remonte à plus de cinq ans, ce type de commande, on en reçoit rarement, en général, ce sont des clients occasionnels qui viennent se payer quelques grammes de cervelle d’hyène vendue à partir de 500 DH le gramme ». Recommandé par « un ami », le riche commerçant avait demandé à rencontrer Brahim dans un palace de la capitale.
Une avance de 40.000 DH avait réussi à mettre en confiance le jeune homme qui, tout en maîtrisant quelques notions de sorcellerie, ne faisait essentiellement que vendre des herbes et autres matières premières pour mixtures magiques et onguents médicinaux. Il a fallu alors attendre plusieurs mois avant qu’un « arrivage » soit pressenti. Le temps que l’on signale par la grâce du bouche-à-oreille, l’arrivée de quelques bêtes stockées quelque part chez un intermédiaire. Depuis quelques années, les livraisons locales se font rares car les hyènes sont en voie de disparition au Maroc.
C’est également le cas des gazelles et des cerfs qui sont considérés aujourd’hui comme des espèces rares et en danger. L’hyène locale rayée constitue d’ailleurs le must pour sorciers et autres fqihs qui préfèrent les produits maison pour concocter des talismans sur mesure. Les marchands voisins de Brahim, eux, sont moins prolixes. Malgré les cadavres des gros lézards et autres renards suspendus à la devanture des boutiques, à l’évocation des organes d’hyène, les visages se ferment, la méfiance est de mise.
Mais une fois rassurés, les marchands se laissent aller à l’évocation du bon vieux temps, à l’époque où la demande et l’offre étaient particulièrement florissantes. Depuis quelques années, le gros de la demande est assuré par des hommes politiques particulièrement stressés par une trop longue traversée du désert et de riches bourgeois du Golfe, venus découvrir en même temps les délices de la chair fraîche locale et le pouvoir de l’occultisme version marocaine.
Aujourd’hui, le gros du trafic prend naissance en Afrique noire. Au Togo, au Congo mais surtout au Mali où souvent, ce sont des sorciers qui ont pignon sur rue qui contrôlent ce trafic. Cette délinquance est surtout l’apanage d’un banditisme pur et dur où braconniers, sorciers, intermédiaires et clients sont unis par le même souci, celui du secret absolu.
Pour les moins hardis, il suffit de se rendre dans un marché comme celui d’Akodessewa, à Lomé au Togo, pour s’approvisionner en organes d’hyène, en crânes d’oiseaux, en peaux de singes et en ossements divers. Avec le mode d’emploi en bonus. Le tout est de savoir tromper la vigilance des policiers à l’aéroport Mohammed V. Les trafiquants ont d’ailleurs une parfaite connaissance de la psychologie de tout ce beau monde qui évolue à la limite de la légalité. A moins d’une dénonciation, les choses se passent plutôt bien. C’est d’ailleurs ce qui était arrivé à la femme arrêtée l’été dernier à Khénifra.
On se rappelle l’affaire de cette dame d’un certain âge, embastillée le 11 août 2004 à Khénifra. Elle servait d’intermédiaire entre les trafiquants et les clients. La police avait trouvé dans son frigo deux hyènes découpées en morceaux. La prévenue avait indiqué aux enquêteurs qu’elle était sur le point de vendre une hyène à 80.000 DH à un client régulier. La femme avait été arrêtée sous l’inculpation « d’escroquerie et possession d’organes nuisibles pour la santé ».
Nous avions à l’époque contacté la police de Khénifra, qui ne voulait pas trop s’étaler sur cette affaire. Une gêne qui s’explique par le fait que le législateur ne sait pas trop comment et dans quelle case classer les affaires de sorcellerie. « L’essentiel des affaires traitées par la justice se termine d’ailleurs en queue de poisson parce que non seulement les délits sont difficiles à cerner mais en plus, nous sommes peu préparés à ce type d’enquêtes » analyse ce policier.
Interrogé sur les vertus de ces grigris à base de cervelle d’hyène, un guérisseur traditionnel prétend que la cervelle mélangée à une quarantaine d’herbes sélectionnée au Sahara donnerait des vertus de séduction. Le fameux filtre d’amour version locale. Efficace pour faire se pâmer d’amour et de désir ces belles dames et pour se faire obéir au doigt et à l’œil ! La langue aussi aurait des vertus magiques, mais beaucoup moins fortes que celles de la cervelle.
Un autre fqih dénonce certaines propriétés redoutables des organes d’hyène, telles que l’esclavage psychologique et physique d’une personne qui aurait été soumise à la préparation. L’expression typiquement marocaine « il a mangé de la cervelle d’hyène » ne signifie d’ailleurs pas moins qu’un individu n’a plus de volonté, qu’il est incapable de la moindre initiative personnelle.
Aujourd’hui, malgré le téléphone portable, la parabole et la Mercedes, le Maroc reste pour les observateurs, même les moins avertis, le terrain de prédilection de la sorcellerie et de l’occultisme.
Si le marché parallèle du trafic d’hyène enrichit une petite tribu de malfrats de haut vol et de marchands marrons au détriment des paumés de tout poil, le boom de la sorcellerie ne concerne pas uniquement les pauvres bougres des quartiers populaires. Demandez à ce sorcier installé en plein quartier résidentiel de l’Agdal et vous serez étonné du chiffre d’affaire réalisé grâce aux honoraires faramineux déboursés allègrement par de grosses pointures du monde des affaires et de la politique.
En témoigne la disparition de la dernière hyène du zoo de Aïn Sebaa subtilisée, par une douce nuit d’été, il y a quelques dix ans de cela, par des individus opérant sous les ordres d’un certain Abdelmoughit Slimani…
Au Maroc, il n'y a pas de hyènes tachetées, mais des hyènes rayées très menacées! http://geres-asso.org/fiche_Hyene_rayee.html
oui mais à défaut de trouver la locale, les trafiquants se rabattent sur la hyéne tachetée introduite à partir des pays subsahariens… la hyène tacheté vivante ne vie pas au Maroc, mais elle existe sous forme de carcasses importées : chez les vendeurs de maléfices… 🙁
Oui, la plupart du temps, maintenant, ce sont des peaux de hyènes tachetées importées qu'on peut voir. Mais j'ai tout de même vu une peau de hyène rayée à Guelmin!